Avant goût d'un texte à jouer, actuellement en chantier d'écriture
Titre provisoire : "L'atelier d'écriture"
Scène 1
L’éditeur : Un zeste de sexe, une goutte d’émotion et
tu complètes à ras bord de situations qui font pchitt. Une réplique, un gag.
Distraire, faire rire, des bons rires vendeurs. La queue à la billetterie,
complet tous les soirs même le dimanche. En période de crise, on vient au
théâtre pour oublier la poisse du quotidien. Et nous on vend des exemplaires à la sortie.
L’auteur : Et bling bling pour l’éditeur !
L’éditeur : Encore une idée reçue mon pauvre Christian.
L’édition théâtrale ne rapporte pas un kopeck. Tu le sais ? Une question,
combien en a-t-on vendu de ta dernière pièce ? Une tragédie de
six heures, pour vingt comédiens. Juste bon pour le subventionné,… et les
subventions de nos jours…
L’auteur : Et ma liberté d’artiste ? Donner du
sens, donner à voir, à comprendre.
L’éditeur : Qui te parle de donner ? Là on parle
de vendre !
L’auteur : Et tu suggères quoi ? Un vaudeville
hilarant sur les aventures sexuelles de ma soeur ? Mon cul sur la
commode ? Un blaireau dans ma salle de bains ?
L’éditeur : Pourquoi pas ?
L’auteur : Tu plaisantes-là ?
L’éditeur : Ecoute mon vieux, la direction a changé.
Nos repreneurs taiwanais ont l’œil fixé sur le chiffre d’affaires. Je n’y peux
rien. Si nos auteurs veulent qu’on les édite, ils doivent faire des efforts
surtout dans les secteurs déficitaires. Sinon clac ! La guillotine.
L’auteur : En clair, ton message est prostitution ou
disparition.
L’éditeur : Tu me reçois cinq sur cinq, Coco.
L’auteur : Tu me débites tous les clichés du maquereau !
Patrice, s’il y a un seul mot de vrai dans ton discours, j’irai voir ailleurs.
L’éditeur : Pas de chantage ! Que veux-tu que te
dises ? Je joue au frein à tambour entre des financiers rapaces et des
auteurs égocentriques dans ton genre. Si tu crois que c’est facile, prends ma
place.
L’auteur : Chacun son rôle. Je suis dramaturge. Je ne
vais pas pondre des comédies de mœurs pour que tes Taiwanais grimpent aux
rideaux !
L’éditeur : Ce ne sont pas « mes » taiwanais,
ce sont mes patrons et les tiens par ricochet. Médite là-dessus. Molière aussi
était dramaturge, non ?
L’auteur : Où tu veux en venir ? Ils ne savent pas qu'il est mort? Ils veulent le
prendre sous contrat ?
L’éditeur : Molière écrivait des comédies de mœurs pour
le roi, les taiwanais valent bien Louis XIV, non ? Ce n’est pas honteux...
les mœurs ! Et, on a pensé que… qu’en plus… qu’en sus de tes pièces, tu
pourrais écrire un truc grand public, la biographie romancée d’un
chanteur en vogue…
L’auteur : Qui on ? On est un con. Une maxime de
mon prof de philo ! « On » symbolise la lâcheté humaine.
L’éditeur : On, eux, nous… moi, le comité de pilotage… tu
m’emmerdes. Le roman c’est aussi de l’écriture. Choisis juste un sujet un peu
vendeur, un avocat grisonnant, une étudiante à longues jambes, ou si tu
préfères l’histoire d’un metteur en scène connu et d’une comédienne arriviste. Un
bouquin à couverture attrayante, colorée, une nana en premier plan en bikini, une plage,
des sauvages emplumés !
L’auteur : Tu veux que j’écrive de l’ethnologie !
L’éditeur : Fais l’imbécile. Tu m’as très bien compris.
Ah, j’y pense… un ami m’a demandé un service. Ça pourrait coller pour toi. Il
bosse comme conseiller culturel à l’insertion dans une ville périphérique. Il a
un projet fantastique autour de l’écriture. Il cherche quelqu’un de solide pour
encadrer son machin. Ce sera payé et puis surtout, il promet qu’il y aura des
retombées médiatiques, un docu fiction filmé par la télé. Un journaliste qui
suivra l’affaire. Un truc qui ferait mousser ton travail, c’est bon à prendre. (Il cherche et sort une carte de visite
qu’il lui tend.) Tiens, voilà ses coordonnées. Tu l’appelles de ma part
Coco. On en reparle la prochaine fois. Un dernier mot, quand t’allumes ton
écran avant même de poser les doigts sur le clavier, pense à la guillotine
taïwanaise. (Il rit, l’auteur sort furieux) Il
pourrait dire au revoir.
Noir.
Très intéressant, tenez moi au courant pour la sortie
RépondreSupprimerJe n'y manquerai pas. mais il reste un long chemin a parcourir, finir l'écriture, trouver un éditeur et une Cie pour jouer le texte. Le parcours du combattant comme à chaque fois. Merci de votre intérêt.
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