Louise Caron
Cet article est destiné à répondre aux questions que mes stagiaires d'atelier d'écriture et d'autres écrivains débutants posent le plus fréquemment concernant le dialogue.
J'écris à la fois des oeuvres dramatiques destinées à la scène et des oeuvres romanesques. Je suis confrontée aux deux types d'écriture, qui ne reposent pas sur la même stratégie de "capture" de l'attention du spectateur ou du lecteur. Les dialogues théâtraux ne sont pas directement utilisables dans un récit. Le dialogue romanesque est très spécifique. "Retranscrire" ou plutôt "transformer" les conversations quotidiennes en dialogues pertinents demande un travail important de questionnement à la fois sur ce que cette conversation apporte et sur la manière concrète de faire "dire" aux personnages des choses qui font progresser la narration.
Dans cet article illustré d'exemples, je ne m'intéresserai qu'au dialogue en discours direct inséré au sein d’une narration.
NB: Le dialogue romanesque reflète assez bien les modèles élaborés en linguistique pour les fonctions du langage parlé (Pour ceux qui voudraient piocher : un article à propos des travaux de Roman Jakobson http://www.signosemio.com/jakobson/fonctions-du-langage.asp) ou les travaux de Pierre Boudieu : Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire : l'économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982)
NB: Le dialogue romanesque reflète assez bien les modèles élaborés en linguistique pour les fonctions du langage parlé (Pour ceux qui voudraient piocher : un article à propos des travaux de Roman Jakobson http://www.signosemio.com/jakobson/fonctions-du-langage.asp) ou les travaux de Pierre Boudieu : Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire : l'économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982)
***
Généralités
Le dialogue correspond à la mise en relation de deux ou davantage de personnes par un échange verbal. C’est une manière pour l’auteur de faire parler directement ou indirectement ses personnages. Dans cet article, je l'ai dit, je n’aborderai que le dialogue en discours direct inséré au sein d’une narration et la nécessité d’apporter à son écriture autant d’attention qu’au reste.
Le piège est de croire que « comme tout le monde parle, il suffit que les personnages parlent comme tout le monde. »
NB : Il y a aussi des romans qui se passent fort bien de dialogues, par exemple, Jacob, Jacob de Valérie Zenatti, je pense à celui-ci car je viens de le lire…
En général une des questions qu’on se pose est : À
quoi servent les dialogues dans un roman ?
Maurice Blanchot, en 1959, conférait au dialogue une simple
fonction d’aération, de mise en page et d’effet de réel. Depuis le point de vue s'est élargi.
Pour moi, le dialogue va bien au-délà des effets de mise en page et de
vérité.
Mais c'est une partie extrêmement difficile à construire à cause des enjeux stylistiques et idéologiques qui s’y rattachent et les subtilités de leurs effets dramatiques.
Mais c'est une partie extrêmement difficile à construire à cause des enjeux stylistiques et idéologiques qui s’y rattachent et les subtilités de leurs effets dramatiques.
Bien souvent en lisant ou en corrigeant des textes, je constate que l’articulation entre dialogues et récit demeure
insatisfaisante au sein d’un même récit.
Afin d’être didactique, je vais suivre un plan conceptuel, cependant il ne faut pas perdre de vue que la stratification proposée n’empêche pas
des recouvrements.
Fonctions principales
J’ai souvent lu
ici et là ( c'est une vieille idée) que la fonction principale du dialogue est de donner au récit de la vraisemblance, parce que dans
la vie les gens se parlent. Même si cela est vrai c’est tout à fait réducteur.
Nous allons passer en revue quelques-unes des fonctions du dialogue dans un texte narratif.
I- Fonction d’information spatio-temporelle:
1 : la
situation, le lieu, le moment, l’ambiance d’une scène, le rôle du
personnage dans l’action.
INFORMER SUR LA SITUATION : Exemple
1:
Demain la femme de mon frère frappera
doucement à ma porte :
— C’est Anna.
J’ouvrirai, elle posera sa valise. Nous nous
saluerons.
— Vous partez ? Vous n’avez plus besoin
de la chambre ?
— Non, j’ai ramssaé toutes mes affaires.
— Si vous avez oublié quelque chose, j’irai
vous le porter.
— Non, vous n’aurez qu’à le descendre chez la concierge.
— Bernard rentre quand ?
— Les prisonniers sont libérés au
compte-goutte alors, comment savoir.
Ce court dialogue en dit
long sur la situation et la relation entre les deux femmes :
- La narratrice imagine la scène du lendemain
Anna la belle-sœur de la narratrice quittera la chambre
qu’elle occupe chez elle. Anna ne souhaite pas particulièrement qu’elle passe
la voir après ce départ, le frère de la narratrice est encore prisonnier
mais devrait rentrer, ce qui motive probablement le départ d’Anna. : (dans cet
extrait on ne sait pas si le retour aura lieu ou si ce n’est qu’un souhait)
INFORMER SUR LA SITUATION : Exemple
2
— Je dîne rapidement. Je prends le train demain de bonne heure.
Alors…
L’homme se met à rire. Un gros rire jovial qui distend sa face de lune.
Son regard porcin me met mal à l’aise.
— Vous n’écoutez pas les infos, Madame. Les cheminots se sont mis
en grève. Demain, il n’y aura pas de trains. Aucun train. Je suis coincé ici,
vous aussi. On nous prend en otage. Les gouvernements changent, mais personne
ne fait rien. Les fonctionnaires, c’est sacré. Sacré bordel, oui !
Content de sa formule, le bonhomme. Large sourire qui rentabilise
son dentier. J’intègre ce qu’il vient de dire et ce que ça implique.
— Il y aura bien un TGV pour Nîmes, après je me débrouillerai…
— On peut toujours rêver ! Je me présente Anselme Duport. En
un seul mot. Pas de particule. Je suis porcelainier à Limoges.
Ce court dialogue (extrait) renferme plusieurs
élements : le lecteur comprend que la femme ne veut pas que son
interlocuteur s’incruste. Elle lui donne un prétexte.
Son prétexte (se
coucher tôt) ne tient pas puisque les trains sont en grève. Ce que l’homme lui
apprend. À la façon dont il sexprime sur la grève le lecteur sait qu’il n’est
pas favorable aux fonctionnaires, le genre d’homme qui aboie contre le gouvernement.
On apprend que la femme repart à Nîmes, mais qu’elle doit
aller plus loin.
La dernière réplique du dialogue montre que l’homme va
s’inscruster, il se présente. On apprend ce qu’il fait.
2- Permet de placer un moment narratif ou descriptif dans la bouche d’un des personnages (On appelle cela l’exposition).
Ce type de dialogue est souvent engagé par
une question du locuteur ou par un rappel à la mémoire. Si ce moment est long (récit historique ou histoire
alambiquée, il est souhaible de couper en fragments plus courts. A éviter dans
les textes à jouer.
L’idéal est quand l’exposition contient des éléments qui
relancent le conflit
LE DIALOGUE
D’ EXPOSITION
L’homme peu amène se tourna vers moi. J’eus
l’impression qu’il scrutait mon âme. Son regard a duré le temps d’un supplice.
Je ne savais pas où poser les yeux. Et puis, il a commencé à parler.
— Peu importe mon nom. Disons qu’on m’appelle
Yacef. Je suis natif de Batna comme votre père. J’ai participé à la révolution
algérienne depuis la France. Tout était à organiser, à la fois de l’intérieur
et de l’extérieur…
Les
camps opposés d’hier figés dans leurs souvenirs ont construit leurs légendes.
Selon qui la chante aujourd’hui — des immigrés, des rebelles, des harkis ou des
pieds noirs — l’air et la musique varient. C’est normal. Chacun a aménagé des
petits bouts de vérité. Ça permet de se rejouer la tragédie. Ma vérité, je vais
vous la dire, j’aimerai qu’elle reste entre nous. Commençons par les prémices
de la révolution. Il ne faut pas croire, Mademoiselle, que celle-ci a résulté
d’un soulèvement unanime du peuple. La population dans sa grande majorité s’en
foutait un peu comme vous. Ils étaient malheureux, maltraités pauvres comme les
pierres, esclaves des colons, mais résignés. Seuls les politisés se sont rebellés
au début. Seulement les chefs avaient des opinions divergentes et
inconciliables. Ils se livraient à une guerre d’influence fratricide. Ça datait
de bien avant le soulèvement ! Ça dure toujours d’ailleurs, et c’est
l’Algérie qui en fait les frais. Mais cela ne vous concerne pas. La population
arabe devait soutenir les rebelles, nous ne lui avons pas laissé le choix. Et
un parti devait l’emporter sur l’autre. Le FLN a été plus fort que le MNA,
ou plus intelligent !
Je n’ai pas oser demander à Yacef ce qui se
cachait sous ces initiales par crainte qu’il se dérobe.
— Certains comme votre père étaient en France
avant que ça barde, mais la guerre les a rattrapés ici. Un Algérien restait un
Algérien même en métropole. Hélas pour nous les Algériens n’étaient tous pas
nationalistes, loin de là. Parmi les intellectuels, beaucoup étaient des
réformateurs prêts à collaborer avec les français dès lors que ceux-ci auraient
mené une politique plus équitable vis-à-vis des arabes. Ils se sont fait mener
en bateau ces collabos ! Le problème après le soulèvement du 1er
novembre 1954 dans les Aurès, aussi bien
pour les Français qui ont réprimé le mouvement que pour les sympathisants, a
été de déterminer qui était réellement derrière.
J’ai pensé que Yacef faisait exprès de
s’étendre sur des détails pour me contrarier.
— Il y a eu deux mille arrestations. Les
forces de l’ordre s’en sont pris principalement aux militants du mouvement de
Messali Hadj, le leader nationaliste. Ceux-là, pour la plupart, ont déclaré à
la police qu’ils n’avaient pas participé aux attaques terroristes. Alors qui
avait déclenché l’insurrection ? hein ? La question se posait.
Ferrot
est intervenu.
— Et
permettait toute les récupérations. Tu seras d’accord avec moi Yacef
— Si tu me coupes, elle ne va plus rien
comprendre à cet imbroglio politique.
Ce long dialogue d’exposition fait le point sur les débuts de
la guerre d’Algérie. C’est indispensable si l’auteur veut que le lecteur
comprenne dans quel engrenage l’un des personnages s’est trouvé embarqué.
L’astuce consiste à insérer dans le dialogue des réactions du locuteur (souligné)
et aussi de faire intervenir un
troisième larron (en gras) qui donne de la vie et relance l’interêt.
II- Fonction d’information et rôle descripteur du
personnage
1- Ce
qu’il dit reflète ce qu’il est, ou au contraire le dissimule.
INFORMER SUR LE PERSONNAGE : Exemple
Doris sert le lait fumant. Elle me tend une
tasse.
— J’ai mis du miel. Buvez avant qu’il
refroidisse Tiède, le lait est imbuvable. Prenez un biscuit avec…Vous n’êtes
pas d’ici, vous.
— Ça se voit tant que ça ?
Elles éclatent de rire, et font oui de la
tête.
— J’habitais ici avant,… Je veux dire à Paris.
A présent, je vis dans les Cévennes.
— Les Cévennes, c’est le trou du cul du
monde !
— Excusez Myriam, elle un vocabulaire de
cocher. Elle tient ça de son mari. Il était grossier comme un russe.
D’ailleurs, il l’était. Un fils de prince ruiné qui faisait le taxi.
— Grossier ou pas, c’est la vérité imagée.
Trou du cul du monde, ça veut dire ce que ça veut dire. Je ne te fais pas un
dessin.
Doris demande :
— Vous faites quoi en Cévennes ?
— J’ai un moulin. Je fabrique de la farine de
châtaigne.
Sa soeur remarque :
— Vous ne ressemblez pas à un meunier. Ni à
une meunière.
— Et ça ressemble à quoi, une meunière ?
— Ça s’envoie en l’air avec le commis pendant
que le meunier ronfle !
— Je n’ai pas de commis. Pas de meunier non
plus.
— Dommage. Vous mériteriez d’avoir les
deux.
Je suis devenue écarlate. Consciente de ma
gêne, elle change brusquement de sujet.
— Vous êtes à Paris pour le plaisir ?
— Oui. Enfin, non. Je suis venue voir mon…,
un…, une…
Je bute sur le mot à employer. Mari, ennemi,
relation.
— Quelqu’un dont vous n’avez pas envie de
parler !
— C’est ça.
Merci Doris. Je suis soulagée. Myriam tenace
reprend l’interrogatoire :
— Votre famille est de là–bas ?
— Mes parents sont décédés. Ils étaient
bretons.
— Pas d’enfant ?
— Une fille. Une grande fille.
Léa je vais la voir demain. Ses boucles
brunes, ses yeux de jais. Sa peau mate à l’odeur de santal. Une bouffée de
bonheur me submerge. Puis tout retombe. Myriam insiste :
— Une fille unique et trop gâtée ?
J’hésite. Finalement je réponds :
— Mon fils aîné s’est noyé.
— Pardon. Je suis désolée. Excusez-moi.
— Vous ne pouviez pas savoir.
Un silence s’installe. Une gêne qui leur fait
contempler le plafond. Gorki ronronne les yeux mi-clos. Je vais au bout de la
confidence.
— Il avait seize ans. Ils ont dit : « Un
stupide accident. » Moi, je sais qu’ils se sont trompés. Un meurtre.
Guihlem ne serait jamais parti en mer un soir de tempête. C’est à cause de son
père. Cette façon de trancher de ce qui est bien ou mal. Ces préjugés sur...
sur tout. Son père clamait impitoyable : « Tu seras un homme mon fils.» Un
homme. Tout était dit. Le lendemain, on a retiré des flots le gamin mort. On ne
lui a pas laissé la chance d’arriver à l’âge d’homme. Ce jour-là, j’ai mis un
révolver sur la tempe de mon mari, j’ai pressé sur la détente mais le révolver
n’était pas chargé… Après ça, c’est comme un gouffre. Un grand vide où je
sombre. Je tente de dissoudre le passé dans le chagrin. J’abandonne tout.
J’efface les traces. J’attends que la mort vienne ou le châtiment pour le
coupable… et je survis comme je peux.
Dans cet exemple, le personnage qui est
également la narratrice livre et confirme en quelques répliques tout ce que le
lecteur a besoin de savoir à ce moment-là de l’histoire. Ni plus ni moins.
Ce dialogue donne des indications précieuses
sur le personnage, sa psychologie, ses motivations à être à Paris, l'accident du fils, la psychologie du père.
2- Donne des indications de sa relation aux autres personnages.
INFORMER SUR LA RELATION AUX AUTRES
PERSONNAGES : Exemple
Le médecin militaire Wabroski s’en était
ouvert au commandant Smith :
– Commandant, j’ai examiné le sergent Barnes.
Il présente un tableau clinique inquiétant. Si vous voulez mon avis, il a
besoin de repos. Peut-être une permission. Il ne se confie pas, mais ses
camarades disent derrière son dos qu’il a des ennuis familiaux. Lopez...
– Wabroski, vous colportez des ragots !
–À mon avis, mon commandant, si vous le
permettez...
– Votre avis, je m’en branle, major Wabroski.
Conscient de sa brutalité, Smith reprit, plus
conciliant.
– Vous avez certainement raison, Wabroski.
Seulement, j’ai une mission à accomplir. Assurer à la population locale notre
aide à la reconstruction.
Ce n’est pas du pipeau, bordel, vous comprenez
ça,
major ? J’ai besoin de mes hommes. Il en tombe déjà
assez avec les engins
des terroristes. Si vous allongez
les autres à l’infirmerie ou pire, si vous
les renvoyez
au pays dans les bras de leur blonde, comment je la
mène à bien ma
mission, moi ? Je ne vais pas reconstruire Bagdad à moi tout seul, nom de Dieu.
Enfin
major, soyez logique, ils se sont engagés dans l’armée américaine, oui ou non ? Merde alors
! Qu’est-ce
qu’ils s’imaginaient ? Faire du tricot dans un
rocking- chair, aller tringler les filles dans les bars à putes ?
– Ne croyez-vous pas que vous forcez le trait,
mon commandant ?
– Bien sûr, je force le trait comme vous dites
! Mais moi, à leur âge, j’aurais porté le monde à bout de bras.
– Alors que décide-t-on pour Barnes ?
– Barnes est un bon soldat, il n’a pas la
niaque, mais il est solide. Prescrivez-lui des somnifères avec un cocktail
vitaminé et qu’on n'en parle plus !
Dans cet exemple, le personnage du commandant
se positionne parfaitement dans le rôle qui est le sien par rapport au médecin
et aussi aux hommes dont il assure le commandement. Il s’en tiendra à ce rôle
tout au long du roman.
Ce dialogue permet d’éviter une longue
description de la personnalité et la
façon de faire du Commandant.
3- Donne des indications sur ses pensées et ses sentiments.
INFORMER SUR LES SENTIMENTS DES PERSONNAGES : Exemple
— On ne joue plus à ça, Guy ! Tu m’expliques
ou tu t’en vas.
Il attrapa son sac et sa sacoche. Sans un mot.
Il se retourna vers moi. Un rictus mauvais au coin des lèvres. Je vis sur sa
veste, au niveau de l’omoplate, une auréole de sang séché.
— Tu es blessé ? Il fallait le dire !
Il continua vers la porte sans tenir compte de
ma remarque. J’agrippai la courroie de son sac pour le retenir.
— Arrête ton cinéma... Ça va. Reste.
Il
consentit enfin à s’arrêter.
— Tu es seule Rosa ?
Un regard soupçonneux vers l’escalier. La
paranoïa de ceux
qui n’ont pas la conscience tranquille !
— Mon mari est à Marseille.
— Je n’avais pas voulu croire Nadia ! Alors,
c’est vrai, Madame est mariée !
Sa phrase fut accompagnée d’une petite
révérence, d’un sourire narquois.
— Épargne-moi ton couplet sur les valeurs
bourgeoises du mariage. Être passés devant le maire n’enlève rien aux sentiments.
— Si en plus il y a des sentiments ! Chapeau !
j’admire en silence !
— Pourquoi es-tu venu ici, après tout ce
temps...
— Quarante ans, trois mois et quatre jours. Je
les ai compté ces putains de jours sans toi, Rosa. J’ai commencé à les compter
dans l’escalier de la rue Monge. Tu te souviens de la rue Monge ?
Dans cet exemple, le personnage de Guy dévoile
sa jalousie et révèle qu’il pense à Rosa et qu’il amême compté les jours. On
comprend aussi que cet homme-là a des positions anti-bourgeoises.
Inutile d'ajouter qu'il tient à elle.
4 - Il peut aussi apporter des informations d’ordre paradiégétique (social, philosophique, religieux, idéologique, politique…)
Le langage employé permettra de typer socialement le
personnage sans avoir à le décrire. Il suffit de choisir un lexique précis ou
des manies verbales.
INFORMER SUR LE TYPE SOCIAL : Exemple
— J’aurais souhaité rencontrer Mrs Barnes,
savez-vous…
D’un doigt tendu, elle me montra la rue.
— Y’a pas de Mrs Barnes ici ! Faites
erreur. Qu’est-ce qu’y a écrit là, sur la boîte ? Cooley. Savez pas
lire ma parole ?
Le garçonnet se mit à pleurer, le bébé
l’imita. Dans ce concert de cris, je lançai :
— Mrs Cooley, je suis venue de New-York pour
parler de votre ex-mari, Niko Barnes.
— Z’êtes une pisse-copie à la recherche d’un
scoop ! J’l’ai pas revu depuis des années. Rien à vous dire. Barrez-vous.
Allez questionner sa mère, pas d’temps à perdre.
— Non, c’est à vous qu’il faut que je parle.
Je suis la journaliste du Times
à qui Niko Barnes a adressé une lettre. Vous en avez entendu parler, vous savez
ce qu’il risque en s’accusant du meurtre de la jeune fille ? Alors si ce
n’est pas lui, il vaudrait mieux le faire savoir.
Dans cet exemple, le constraste est flagrant entre les deux personnages.
L’une est éduquée l’autre plus frustre et ses paroles dénotent une vulgarité, il
n’est nullement nécessaire d’ajouter une description narrative du personnage ou de donner des indications redondantes comme "Elle dit vulgairement… ou Son intonation démontrait une certaine vulgarité."
INFORMATION paradiégétique: Exemple 1 (La
foi)
Il est là,
occupé à visionner des radiographies sur un négatoscope mural. Pas
besoin d’être toubib pour voir que la colonne vertébrale du type est en cassée
en deux !
Sans attendre qu’on m’y invite, je me laisse
tomber dans un fauteuil. Il se retourne et il dit :
— Je vous croyais repartie. Hier soir, votre
fille pensait…
— Quand l’avez-vous débranché ?
— En fin de nuit. Sa voix tremble un peu sous
le coup d’une émotion. Il ajoute : A chaque fois que l’on procède
ainsi, j’ai l’impression de vivre un échec.
Il vient s’asseoir en face de moi de l’autre
côté du bureau. Je lui dis :
— Vous n’y êtes pour rien.
— Si, justement. Seul Dieu devrait décider
du moment, pas les hommes.
— Il me semble que dieu, s’il existe, avait
déjà tranché !
— Vous n’avez pas la foi.
— Non.
— Souvent ça aide.
— Un emplâtre sur une jambe de bois !
Dieu est une grande duperie. Je sais de quoi je parle. Ceux qui prétendent
régler nos vies au nom de dieu…
— Ne vous forcez pas à être aussi radicale. Il
ne faut pas confondre Dieu et ses ministres. Je suppose que c’est à eux que
vous vous en prenez.
— Je ne suis pas venue débattre du clergé ou
entendre vos homélies. J’arrive de la gare et je dois y retourner le plus vite
possible. Je suis très fatiguée, Docteur, tant d’émotions que j’avais mises au
rebut… Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais la mort d’Antoine ne me
laisse pas indifférente. Je voudrais le voir avant de repartir.
Dans cet exemple, les deux personnages s’opposent
dans leur croyance en dieu. Le médecin est croyant et la femme non. Encore une
fois, expliquer tout cela dans une narration aurait nécéesssité un assez long
développement pas forcément compatible avec le genre romanesque.
INFORMATION PARADIÉGÉTIQUE: Exemple 2 (Les idées)
INFORMATION PARADIÉGÉTIQUE: Exemple 2 (Les idées)
… Il pose enfin son livre et m’accorde un regard.
— J’ai fini ! Vous n’êtes pas fâchée.
— Pas du tout. J’aurais dû descendre mon bouquin. Nous aurions lu de conserve.
Il rit de ma répartie et demande :
—Et vous, vous lisez quoi ?
— Un essai sur le temps.
Il chantonne : « Il y a le ciel, le soleil et la mer… » Ce n’est pas vraiment l’air. Je ris, enfin détendue après cette journée difficile. Je précise, pour ne pas laisser de blanc dans la conversation :
— Pas la météo. Le temps, enfin la durée. Etienne Klein, vous connaissez ? Le facteur temps ne sonne jamais deux fois.
— Je ne connais pas. Je devrais ?
— Ce n’est pas très grand public.
J’ai conscience d’avoir gaffé. Je reprends:
— Je veux dire c’est… Ne croyez pas que je pense… ne pensez pas que je crois… Enfin, c’est un livre difficile.
— Vous vous enfoncez davantage à chaque mot. C’est quoi, votre prénom ?
— Eléonore.
— Moi, c’est Thibaut.
Nous buvons. Le vin laisse sur la langue une traînée de velours. Mon regard fuit le sien, il s’accroche aux rideaux grèges, toujours gonflés comme des voiles au vent.
— Vous voilà perdue dans vos pensées,
« What if I bade you leave
The cavern of the mind ? »
Yeats est un merveilleux poète. Je l’apprécie plus qu’aucun autre. Sa passion pour une femme unique. Pour moi c’est…, à cause de…mon enfance cette fidélité me touche, disons que cela me parait… Ne parlons pas de cela. Ma vie n’a aucun intérêt. Revenons à Yeats, à son immense amour pour l’Irlande déchirée. Vous savez, sa poésie est au cœur d’une quantité de symboles, pas seulement érotiques ou mystiques. Il dit "Nous redevenons des dieux… " Pourtant la réalité quotidienne lui donne tort, n’est-ce-pas ? Nous sommes si terre à terre. Nous, je pense aux hommes en particulier. Pardon, je vous ennuie. Vous baillez !
— Non, mais je ne connais rien à la poésie anglo-saxonne. Je devrais ?
Dans cet exemple, on comprend que les deux personnages sont des intellectuels. Thibaut s'intéresse à la poésie de Yeats. Il réagit sur le contenu par rapport à son propre cas et aussi d'un point de vue philosophique S'il avait lu un magazine comme Auto-moto, la figure du personnage en aurait été modifiée.
— J’ai fini ! Vous n’êtes pas fâchée.
— Pas du tout. J’aurais dû descendre mon bouquin. Nous aurions lu de conserve.
Il rit de ma répartie et demande :
—Et vous, vous lisez quoi ?
— Un essai sur le temps.
Il chantonne : « Il y a le ciel, le soleil et la mer… » Ce n’est pas vraiment l’air. Je ris, enfin détendue après cette journée difficile. Je précise, pour ne pas laisser de blanc dans la conversation :
— Pas la météo. Le temps, enfin la durée. Etienne Klein, vous connaissez ? Le facteur temps ne sonne jamais deux fois.
— Je ne connais pas. Je devrais ?
— Ce n’est pas très grand public.
J’ai conscience d’avoir gaffé. Je reprends:
— Je veux dire c’est… Ne croyez pas que je pense… ne pensez pas que je crois… Enfin, c’est un livre difficile.
— Vous vous enfoncez davantage à chaque mot. C’est quoi, votre prénom ?
— Eléonore.
— Moi, c’est Thibaut.
Nous buvons. Le vin laisse sur la langue une traînée de velours. Mon regard fuit le sien, il s’accroche aux rideaux grèges, toujours gonflés comme des voiles au vent.
— Vous voilà perdue dans vos pensées,
« What if I bade you leave
The cavern of the mind ? »
Yeats est un merveilleux poète. Je l’apprécie plus qu’aucun autre. Sa passion pour une femme unique. Pour moi c’est…, à cause de…mon enfance cette fidélité me touche, disons que cela me parait… Ne parlons pas de cela. Ma vie n’a aucun intérêt. Revenons à Yeats, à son immense amour pour l’Irlande déchirée. Vous savez, sa poésie est au cœur d’une quantité de symboles, pas seulement érotiques ou mystiques. Il dit "Nous redevenons des dieux… " Pourtant la réalité quotidienne lui donne tort, n’est-ce-pas ? Nous sommes si terre à terre. Nous, je pense aux hommes en particulier. Pardon, je vous ennuie. Vous baillez !
— Non, mais je ne connais rien à la poésie anglo-saxonne. Je devrais ?
Dans cet exemple, on comprend que les deux personnages sont des intellectuels. Thibaut s'intéresse à la poésie de Yeats. Il réagit sur le contenu par rapport à son propre cas et aussi d'un point de vue philosophique S'il avait lu un magazine comme Auto-moto, la figure du personnage en aurait été modifiée.
III- Fonction de confirmation
la prise de parole ou l’échange verbal n’est écrit dans le
roman qu’à seule fin d’authentifier les assertions du narrateur dont elles
attestent la justesse. Effet de VERITE. (Très utilisé dans le polar ou le roman
noir)
EXEMPLE DANS LE POLAR
On a lu
dans la narration le paragraphe suivant.
L’homme au chapeau noir entra dans l’église
vers 17h. Le sacristain le vit s’approcher de la statue de le Saint Joseph. Il
sortit un cierge de sa besace et le plaça au pied de la statue sans l’allumer.
Un autre homme s’approcha, jeta un coup d'oeil autour de lui et emporta le cierge. En sortant, il fit un geste vers l’homme au
chapeau. Sur le moment le sacristain n’y pris pas garde. Ce n’est que plus tard
que ces détails lui revinrent en mémoire.
Quelques chapitres plus loin on retrouve l’homme au chapeau noir dans le bureau du
commissaire.
— À quelle heure dites-vous être allé à
Saint-Augustin ? demanda le commissaire
— La cloche sonnait cinq heures quand je suis
entré.
— Et qu’avez-vous fait ?
— J’ai prié.
— Rien d’autre ?
— Non.
— Vous n’avez parlé à personne ?
— Non
— Donc vous êtes ressorti presque immédiatement.
— Oui.
— Bon vous pouvez partir.
Le dialogue confirme la narration sur l’heure,
et informe le lecteur sur le mensonge de l’homme au chapeau noir. Le lecteur en
sait plus que le commissaire.
L’utilisation
des dialogues permet de représenter la
logique de la fiction et de justifier l’ordre de la narration. Souvent un
dialogue introduit et clôt une scène.
Les
séquences narratives correspondent aux unités de base du récit, sont fondées
sur la décomposition d’une action en un processus en trois temps qui en
marquent le développement : La possibilité de faire, passage à l’acte ou
non et l’achèvement.
Tout
se tient à partir de la fin, car il ne
peut y avoir de fin s’il n’y a eu passage à l’acte, il ne peut y avoir passage
à l’acte s’il n’y a eu possibilité de le faire.
Mais
l’inverse n’est pas vrai; après chaque fonction, une alternative est
ouverte : la possibilté peut évoluer en passage à l’acte ou demeurer à
l’état d’éventualité; le passage à l’acte peut atteindre ou manquer son
achèvement.
Ce schéma correspond à la structure d'une action et c’est particulièrement vrai dans les romans épiques. Au niveau de la narration, c’est souvent les dialogues qui feront passer d’un niveau à un autre. Loin d’être un simple commentaire de l’action, ils constituent les charnières qui permettent sa progression. Je vais chercher un exemple démonstratif et je l'ajouterai.
Dans les romans
classiques (je prends pour exemple Flaubert,
Balzac, Zola) les paroles de personnages jouent surtout un rôle sémantique : en décomposant, en
séparant explicitement les composants d’une action, ils rendent plus clairs les
enjeux qui la sous-tendent. Ils ne modifient pas une situation et ne produisent pas une situation nouvelle.
C’est vrai aussi des bavardages mondains des soirées des romans de Marcel Proust.
Les dialogues qui rapportent ces conversations peuvent
paraître non signifiants pour les personnages mais ils sont nettement révélateurs d’une situation. Le langage que parlent les
personnages renvoie aux lieux communs et aux banalités de la
passion amoureuse par exemple ou du snobisme.
Ce type de dialogue chez les écrivains confirmés a moins
pour but de parvenir à faitre évoluer l’action, la situation, ou à indiquer ce
changement, qu’à illustrer les faux-semblants des comédies humaines, « la
platitude et la vanité de toute communication »
Pour ma part je recommande aux écrivains novices d’éviter ce
type de dialogues qui souvent ne véhiculent que des banalités et des clichés dans des mains inexpérimentées.
Il faut savoir analyser le contenu avant de se lancer là-dedans tout le
monde n’est pas Proust.
Et la platitude de la communication est à proscrire
le plus souvent possible
V FONCTION D'ATTESTATION
Le ménage vécut dans l’enchantement de sa
nouvelle demeure. […] La cuisine était grande comme la main et toute
noire ; mais en laissant la porte ouverte, on y voyait assez clair ;
puis, Gervaise n’avait pas à faire des repas de trente personnes, il suffisait
qu’elle y trouvât la place de son pot-au-feu. Quant à la grande chambre, elle
était leur orgueil. […] Ensuite, Coupeau avait orné les murs de son mieux, en
se promettant des embellissements : une haute gravure représentant un
maréchal de France […] ; au dessus de la commode, les photographies de la
famille étaient rangées sur deux lignes […] C’était vraiment une belle chambre.
— Devinez combien nous payons
ici ? » demandait Gervaise à chaque visiteur.
Et quand on estimait son loyer trop haut, elle
triomphait, elle criait, ravie d’être si bien pour si peu d’argent :
— Cent cinquante francs, pas un liard de
plus !… Hein ! C’est donné !
L’échange de Gervaise et de ses visiteurs (indéfinis) est
préparé par les adjectifs et les compliments valorisants qui annoncent le
jugement qu’elle porte sur son logement. Il y a là un exemple d’une fonction
d’attestation du dialogue. Il ne modifie pas la situation mais l’explicite.
VI- Fonction dramatique
Pour moi, c’est certainement la fonction la plus importante qui recoupe en partie les autres. L’intégration
du dialogue permet de faire avancer l’action par un processus actif ou passif. Stimule le conflit mais pas forcément en opposant les personnages dans un dialogue conflictuel. (Le conflit n'est pas une bataille).
Les paroles peuvent être des composantes essentielles de
l’intrigue, des charnières ouvrant sur
des voies diverses, elle doivent faire avancer l’action au travers des événements capables d’engager
des séquences actives. Le fameux faire
plutôt que dire, dans le corps du récit.
Dans le dialogue on est plutôt dans Dire c’est faire.
Mais ce slogan recouvre des situations différentes.
- Utiliser le pouvoir de la
parole non seulement pour décrire le « monde » mais pour agir sur lui.
Un
simple mot, une petite phrase peuvent être suivis d’effets spectaculaires ou
non.
Certains élements conduiront à des textes où les paroles
vont changer le cours du récit, soit par
une action, soit simplement par le contenu
de ce que l’on aura dit.
1- Un individu peut s'adresser à un autre ou des autres dans l'idée de faire quelque chose ou de faire faire quelque chose
Exemple à la bataille d’Eylau Napoléon 1° dit :
— Grognards, en avant,
battons-nous jusqu’à la mort ou jusqu’à la victoire.
L’effet sera spectaculaire, des
centaines de milliers de victimes resteront sur le champ de bataille après une
victoire inespérée.
2 : L’élocteur « fait bouger » son interlocteur soit psychologiquement, soit physiquement, immédiatement ou ses actes futurs.
Exemple - Provoquer l’action du personnage B GrACE
AUX mots de A.
Le soleil
frappait au travers de la vitre et le radiateur en fonte irradiait. Henri ôta
sa veste, le tissu de sa chemise lui collait à la peau. M° Perony continuait à
compulser son dossier.De plus en plus mal à l’aise Henri s’agita et s’exclama.
— Il fait une
chaleur insupportable, non ?
L’avocat alla
fermer les persiennes.
— C’est aussi
cette saleté de radiateur.
M° Perony
traversa la pièce. Il posa la main sur le métal brûlant.
— En effet,
constata-t-il. Je croyais l’avoir éteint.
Il essaya en
vain de tourner le robinet rouillé.
Henri déclare qu’il a trop chaud, il ne demande pas directement à
l’avocat de faire quelque chose, mais le simple énoncé Il fait une chaleur
insupportable, non ? suffit à provoquer chez
l’avocat la réaction de fermer les volets. Il faut la seconde phrase de
Henri : C’est aussi cette saleté de
radiateur. Pour que l’avocat aille
éteindre le radiateur
Exemple de dialogue sans conséquence
— J’a vu ta femme en train de dormir au soleil
— Elle dort tout le temps en ce moment.
EXEMPLES de dialogueS OÙ les paroles DU LOCUTEUR entraineront des conséquences POUR L'INTERLOCUTEUR
Exemple 1
A — Ta femme
embrassait Pierre à pleine bouche. Ils étaient à poil au milieu du champ ! Tu ne peux pas laisser faire cela. Au bistrot quand t'as le dos tourné tu sais qu'ils disent... ils t'appellent le chef de gare!
B — Je vais la
tuer !
Après avoir dit
cela, il courut chercher un fusil.
Dans
l’exemple , le fait d’avoir révélé à son interlocuteur B que sa femme
embrassait Pierre conduit B à passer à l’acte. A a agit sciemment espérant la réaction de B; il aurait pu ne
rien dire à B. Il a donc fait un choix.
Exemple 2
Enfin, elle l’avait
ce contrat, pour six mois, mais de nos jours six mois c’est mieux que rien.
Tous ces entretiens depuis plusieurs semaines, le stress, la fatigue. Elle y voyait
la cause de ses malaises, rien de bien inquiétant. Le docteur Taillandier lui
avait prescrit des examens sanguins. Elle lui téléphona pour avoir les
résultats.
— Je préfère vous
voir. Venez à 17h.
A 17h, il la fit
entrer dans son cabinet.
— Bon, Madame
Lemineur, je ne vais pas tourner autour du pot. Vos examens présentent des
anomalies.
— C’est grave.
— Je ne vais pas
vous cacher que cette pathologie est très évolutive. Une forme de dégénérescence
de la moelle osseuse.
— Mais on va pouvoir
me soigner ?
— Je vais être
honnête. Il n’y a aucun traitement efficace à long terme.
— Ça veut dire que je suis condamnée.
— Ça veut dire que je suis condamnée.
— À terme, oui.
— Combien de
temps ?
— Moins d’un an.
La sidération
l’empêcha de répondre.
Dans ce
deuxième exemple, le médecin se contente d’être le messager du destin. Il n’a
aucun pouvoir de cacher la vérité à la patiente. Ses simples paroles font basculer cette personne dans un "monde" différent. Celui de la mort annoncée. Le discours du médecin se rapproche de ce
qu’on nomme en linguistique un acte perlocutoire.
On pourra utiliser
dans le dialogue les ressorts dramatiques suivants qui joueront sur le
comportement des personnages et /ou l'action.
-l’avertissement ou la menace;
-les déclarations- d’amour, de guerre;
- le serment, la promesse, l’aveu = faire vœu de, garantir, parier, jurer de
garantir
- les bonnes ou mauvaises nouvelles ;
- la proposition;
- le défi, l’insulte, le déni = nier, postuler, remarquer
- le comportement = s’excuser, remercier, déplorer, critiquer…
- la dénonciation= accuser dénigrer...
- la sentence= acquitter, condamner, décréter…
- l’opinion
- l’élaboration d’un contrat ou sa rupture … .
Les qualités du dialogue
I - Clarté des
propos = concision = ne pas embrouillez le lecteur avec des infos
inutiles données pour faire beau ou pour se faire plaisir, sans rapport avec le
sujet, éviter la pauvreté du langage et préférer la spécificité à la
généralité.
A
PROSCRIRE ABSOLUMENT
— Je te
l’ai dit que la soeur du beau-frère du copain de Sylvie était un grand
malade ! Waouh ! Ben oui, un jour, sa nièce m’a racontée,
tu sais que son métier c'est de réparer des bagnoles.= mécanicien
— Non, je le crois pas, putain ! T’es sûre,
tu ne racontes pas de craques, là, pfuitt !
II - Pertinence du
dialogue (allez à l’essetiel tout en servant l’action), éviter de
souligner par un paraphrasage avec des adverbes inutiles.
A la fin de chaque dialogue, le relire et se poser la
question de ce qu’apporte chaque réplique et chaque mot, soit d’un point de vue
sémantique et/ou performatif
III - Chercher à
rendre la lecture vivante sans tomber dans le langage trop
quotidiéniste ou les banalités d’usage qui ne font pas avancer l’action.
Commencer le dialogue au bon moment.
A
PROSCRIRE ABSOLUMENT
— Bonjour toi ça va ?
— Moi ça va !
— Et bien je suis contente pour toi.
ou
ou
— Le facteur est venu chez moi, il a dit :"j’ai une lettre
pour vous"
— Une lettre c’est super intéressant, quoi!
— Carrément flippant.
ou
— Il est super amoureux de moi.
— Veinarde
— Il m apporte des fleurs à chaque fois qu'il vient me voir.
— Quelle sorte de fleurs
— Des pivoines
— Ah c’est un signe. Si elles sont rouges ça
veut dire que....
ou
— Bonjour Monsieur, excusez-moi, mais vous
portez des meubles, euh si c’est pas indiscret, vous déménagez ?
— Eh ben non, c’est le contraire. On arrive
dans l’immeuble. On s’installe au septième.
— Ah bon ? C’est pas possible ça !
— Et pourquoi ?
Il
commençait à la trouver lourde. Pas la fille l ‘armoire.
— Enfin, je veux dire c’est juste à côté de
mon appart'. Alors ça m’intéresse.
Vous avez dit on… ça veut dire que vous êtes
plusieurs ?
— Oui, on fait une coloc.
— Ah,
bon, ben j’espère qu’on va bien s’entendre monsieur… monsieur comment ?
Moi c’est Agrippine.
Elle lui tendit la main, mais il ne pouvait
pas la prendre.
J’arrête là, c’est trop merdique vous avez
compris.
Ces dialogues ressemblent assez à ce que l’on entend (hélas)
tous les jours ! On les trouve intact dans les romances... . Ça fait vrai pensera un débutant. Non c’est seulement exécrable.
Les notions de vrai, de vivant, de réel doivent passez par
le prisme du style.
Restent les romans de genre (polar, noirs où on s’attend à
ce que les personnages s’expriment avec un lexique approprié voir Frédéric Dard,
ou la romance dont le langage cucul la praline n’entre pas en général dans ce
que je considère être de la littérature (c’est mon avis, vous pouvez ne pas être d’accord) et je me déclare incompétente en romance, le genre est si plein de clichés qu'il faudrait plus d'un article pour les pointer du doigt. Le plus simple serait encore que les écrivains en herbe se tournent vers autre chose, hélas... Tous les goûts sont dans la nature.
Construction
d’un dialogue
Dans le cas où il
y a un narrateur externe, il y a changement d’énonciation dans le
dialogue ; ce n’est plus le
narrateur qui s’exprime mais les personnages sans intermédiaire. Dans le cas où
la narration est menée à la première personne (JE) si le narrateur prend la
parole il le fait en personnage, pareil dans le cas où le narrateur a participé
à l’histoire et y intervient en tant que personnage qui entre dans un dialogue.
EXEMPLE 1- de changement d’énonciation : Le narrateur cesse de
s’exprimer et laisse la parole aux personnages.
Cette femme
habitait le quartier depuis quarante ans. Elle connaissait tout le monde. Ce gaillard velu, lui, semblait l’ignorer.
— Je connais tout le monde ici, lanca-t-elle. Je les ai tous vus arriver un par un…
— Je connais tout le monde ici, lanca-t-elle. Je les ai tous vus arriver un par un…
Il la regarda
avec une tendresse bourrue et il lui coupa la parole. Elle était capable de
raconter sa vie jusqu’au petit matin.
— Et lui,
Grand-mère, tu l’as déjà vu ?
Elle saisit la
photo qu’il lui avait collée sous le nez.
— P’te que oui,
p’te que non. Ça dépend…
On remarquera que le dialogue se
passe presque totalment de verbe introdutif de paroles
EXEMPLE
2 : Cas où la narration est menée à la première personne dans le dialogue
si le narrateur prend la parole ;
il le fait en personnage,
J’étais avec H. je lui avais
déjà posé quelques questions indiscrètes sur sa vie là-bas, puis je m’étais tue. En général, il répondait
du bout des lèvres, s’excusait. À
présent, il expliquait sans gêne le comportement de son camarade envers les
filles de l’usine.
— Quand j’ai commencé à travailler
à Paris, j’étais ébloui, la tête me tournait. {…} Les filles ici ont des corps
qui font envie.
— Et vous avez aimé beaucoup de
ces belles femmes ?
Quand je reprenais le vous, il
savait qu’il m’avait contrariée.
Les verbes introducteurs
La place des verbes introducteurs dans le discours direct varie selon la construction narrative et leur emploi n’est pas systématique. C’est le sens et la recherche de clarté (évier les ambiguïtés sur qui s’adresse à qui) qui va commander d’y avoir recours ou pas.
Mon avis de lectrice et d’auteur est qu’il ne faut pas en abuser.
Ils alourdissent fort le dialogue.
Lorsque deux personnages se parlent et qu’il est clairement
établi qu’il y a intervention de A puis B en alternance, on peut s’en passer sauf si on veut
préciser une intention
( la colère implique s’indiger par exemple)
1- Dans la phrase qui
précède le dialogue. Exemple
Il se reprit :
— Non, je ne ris pas de vous.
2- Dans une proposition incise. Exemple
Il m’a tendu une main
ferme.
— Je suis Me Loiseau, annonça-t-il, Allons dans mon bureau.
3- En fin de phrase
dialoguée. Exemple
— Va-t-en, sale bête, lança-t-il en allongeant
au chat un coup de chausson.
Le Français dispose d’une grande panolie de verbes précis qui
permettent d’éviter l’emploi du semptiternel verbe dire qui n’est pas précis et qui évitent des mots surajoutés (parler fort = crier ou vociférer….) on utilisera selon l’emploi et le sens :
Des verbes qui annoncent :
phrase déclarative : affirmer, répéter, annoncer,
noter, conclure, ….
phrase injonctive : commander ordonner exiger,
phrase interrogative : demander, se rnseigner,
s’enquérir, questionner, interroger, s’informer
phrase exclamative : s’indigner, s’exclamer, clamer,
phrase de reprise de parole ou de réponse : reprendre,
répartir, répondre, répéter, riposter…
phrase introspective indiquant l’état du
personnage : penser, songer, balbutier, pleurnicher.
Vous trouverez un
répertoire bien fait sur : http://www.espacefrancais.com/les-verbes-de-parole/
Exemple de dialogue avec peu de verbes introDucteurs
(dialogue A puis B en Alternance)
Maitre Loiseau voulut me rassurer.
—
Je ne prends plus d’affaires criminelles, depuis plusieurs années. Je les
laisse à mes deux confères. Je me suis spécialisé dans le droit commercial et
les divorces. C’est à la fois moins difficile à plaider et plus rentable. Quant
aux vilenies de la nature humaine, ne croyez pas qu’elles soient absentes de ce
type d’affaires. J’ai vu des femmes dépecer, au sens figuré bien sûr, leur
ancien conjoint. La haine succède trop souvent à l’amour.
—
Vous le constaterez bien assez tôt à vos dépens. Vous êtes jeune, gardez donc
vos illusions.
Il a changé de conversation.
—
Donc, vous avez reçu ma lettre pour votre anniversaire. Quel cadeau, n’est-ce
pas ?
—
Oui. Une fichue surprise. Je veux dire un sacré choc.
—
Je pensais que vous seriez venue plus tôt.
—
Il m’a fallu du temps pour… Pour digérer la nouvelle. Au début j’ai pensé à un
canular. Puis j’ai tout nié en bloc tellement c’était impensable. Ensuite, j’ai
été forcée d’admettre que cet homme, ce guillotiné qui m’écrivait, enfin qui m’avait
écrit, devait être mon père, sinon pourquoi vous aurait-il demander de
m’envoyer son testament. Aujourd’hui, je souhaite en savoir davantage. J’ai
besoin d’éléments pour comprendre qui il était, savoir qui je suis, ou plutôt
qui je peux devenir.
—
Avant d’aller plus loin, je voudrais savoir si vous avez lu la presse de
l’époque sur l’affaire Ben Ali.
—
À vrai dire, non. J’ai été sur le point de le faire, mais une fois à la
Bibliothèque Nationale, devant le formulaire à remplir, je me suis dégonflée.
L’expression
m’a échappée, j’ai de nouveau viré à l’écarlate,
—
Il n’y a pas d’autre expression, ai- je bredouillé.
—
Tant mieux. Les journalistes sont des hyènes. Il vaut mieux que vous ne les
lisiez pas. Pas tout de suite en tous cas.
Là où ça se complique c’est lorsqu’il y a une conversation
avec de multiples personnages, parfois il n’y a pas d’ambiguité mais quand on
en relève une, il faudra préciser.
Exemple avec multiples personnages
Le gérant m’a
questionnée d’un ton suspicieux.
— Vous n’avez pas de bagages ?
— Je les ai
laissés à la consigne.
— La chambre,
c’est pour combien de temps ?
— Je ne sais pas encore. Quelques jours…
quatre ou cinq… ça dépendra de…
Derrière
la cloison un homme a hurlé :
— Dis-lui
que moins de trois nuits on ne prend pas, peuchère.
— Eh bien
trois jours, pour commencer.
— Après
il n’est pas sûr qu’on aura de la place.
— Tant
pis j’irais ailleurs.
Là il y a
une ambiguité dans un dialogue écrit sur qui du gérant ou du « marseillais »
parle (au théâtre il n’y en aurait aucune).
Donc dans ce cas je recommande de préciser qui a dit la phrase
— Après
il n’est pas sûr qu’on aura de la place, répliqua le gérant
Extraits de mes romans publiés ou en cours et recomposition à partir d'emprunts divers à la littérature (Eric Fottorino, Simenon, Claire Etcherelli...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire