C’était un homme érudit, amoureux du théâtre et spécialiste de Bertold Brecht. On lui doit entre autre la traduction française en deux tomes du journal d’Amérique et journal de Berlin de B. B. publiés à l’Arche.
J’ai eu le plaisir de rencontrer deux fois fois par semaine Philippe, pendant presque deux ans qu’a duré l’aventure des Ateliers de création du TEP (dirigé par Guy Rétoré.)
Prévue pour durer une saison, cette aventure s’est prolongée, deux autres saisons avec des buts sensiblement différents de ceux du départ.
Philippe dans la salle de répétition du TEP |
Philippe assistait sagement, en observateur réfléchi, aux ateliers, aux improvisations, relisait les écrits des stagiaires, parlait de l'écriture et de la distanciation du jeu. L'Aventure des Ateliers du TEP était une façon de questionner le théâtre des années 90. Il avait d’ailleurs écrit « Espoirs de théâtre par temps incertains » dans un supplément au Mémento du TEP en 1995.
Philippe fut partie prenante de ces ateliers, témoin de cette expérience singulière et plurielle dont il a rendu compte. Témoin la plupart du temps muet, il est parfois sorti de sa réserve pour répondre aux questions que je me posais sur l’expérience que nous vivions, sur la façon dont je me sentais «instrumentalisée », sur les mosaïques issues de nos textes et sélectionnées par les encadrants de façon souvent autoritaire.
En 2003, il m’avait contactée à propos d’un chapitre qu’il avait à écrire pour un ouvrage collectif intitulé « Du théâtre amateur, approche historique et anthropologique » édité aux Editions du CNRS, Arts du spectacle. Il voulait citer certaines des notes que j’avais produites au cours de cette aventure qu’il analysait a posteriori (10 ans après) dans le chapitre « Le Public Acteur Sur un processus d’improvisation collective dans les ateliers de création du TEP (1993-1994) ».
Au moment où le chapitre a été écrit, Philippe me l’avait envoyé pour relecture. Je lui avais signalé que je n’étais pas d’accord avec ce qu’il avait relaté sur le choix des stagiaires.
« Mais qui étaient plus exactement ces stagiaires ? Les demandes ayant afflués en masse, les candidats furent reçus individuellement et admis après entretien. […]
Priorité (non exclusive) a été donnée aux abonnés du TEP et aux habitants des quartiers environnants, mais de telle sorte que soit retenu un groupe représentatif de la population en général. Par ailleurs devaient être écartés ceux qui confondaient les Ateliers avec une Ecole d’Art dramatique faite pour transmettre un métier (à plus forte raison un savoir-faire codifié). Il se serait plutôt agit d’une école du spectateur »
Ceci est contradiction parfaite avec des remarques qu'il mentionne sur le fait que la démarche d’improvisation pour ces « amateurs » est moins éloigné qu’il n’y paraît du travail recommandé par de grands professionnels comme Antoine Vitez ou Jacques Lecoq.
Car, en dépit de toutes les allégations des encadrants, au TEP nous étions bien à l’école du théâtre, encadrés par des professionnels de qualité et très exigeants sur le jeu, l'articulation... bref sur les techniques de bases d'un comédien (G. Werler, J. Hadjaje).
L'objectif affiché était de libérer la capacité de jeu dont est capable le spectateur ordinaire. Pourtant la sélection, contrairement à ce qui a été écrit, n’avait pas du tout éliminé des gens comme moi, ou Michel Caron, Olivier David, Laurent Contamin..., et bien d'autres… qui étions des « spectateurs » issus de cours d'art dramatique !
Il est vrai que nous avons joué le jeu de la candeur. Il en valait la chandelle.
Cette aventure TEP 93-95 continue à m’inspirer dans mes choix, dans ma pratique de comédienne, et aujourd’hui d’auteur. « Rapprocher le théâtre des lieux de vie ».
Merci Philippe d’avoir, pour conclure ce chapitre, laissé la parole à Georges Werler :
« On a souvent dit — et les participants le constataient aussi— qu’ils avaient fait durant ce stage « d’étonnats progrès ». C’est vrai ! Mais profondément, quel était le sens de cette remarque? si cela veut dire qu’ils ont appris à se maîtriser à mieux respirer, à articuler davantag, à donner à l’interprétation plus de force et de conviction, c’est bien, c’est beaucoup, mais ce serait insuffisant. Par sa puissance, le théâtre modifie les êtres, il les rend plus responsables et plus conscients. C’est l’humain qui s’épanouit et c’est alors l’homme vrai, la femme vraie, qui accepte d’êre et de se montrer ainsi. C’est cela qui m’intéresse surtout dans la pédagogie et la pratique théâtrales. Ce don de soi, quand il est partagé, rendu par cinquante, devient une force extraordinaire. Le collectif restitue à chacun son intégrité. »
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