La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



lundi 23 novembre 2015

Mes lectures du moment

Cela fait un petit moment que je n’ai pas publié d’avis de lecture. La paresse liée aux premiers frimas, l’air du temps maussade… oui certainement, mais par-dessus tout le manque d’enthousiasme soulevé par les livres que j’ai eu en mains ces dernières semaines, au point d’avoir renoncé à terminer 2084 de Boualem Sansal.
J’ai, je l’avoue, du mal avec les dystrophies littéraires. Mais la critique unanime et le plaisir que j’avais pris à lire Rue Darwin du même auteur m’ont poussée à la lecture de ce 2084 . Je n’ai pas pu aller au-délà du premier chapitre. Le livre m’est tombé des mains. Confusion et descriptions longues, une intrigue qui dès le départ s’enlise.
Un personnage principal, Ati peu attachant et trop naïf.
Je suis peut-être passée à côté du chef-d’œuvre mais tant pis. Il n’est nul besoin d’être allé au bout pour comprendre que le monde ultra religeux que l’auteur dénonce a pris toute sa place dans notre paysage.

J’ai aussi lu Check-point de Jean-Christophe Rufin. Ce n’est pas une œuvre magistrale comme l’avait annoncé le presse. C’est un bon roman d’aventure dans le cadre d’une mission humanitaire qui sert de couverture à un engagement militaire. Rien de très original, bien écrit mais sans style. Le meilleur est constitué par les quelques pages de la post face.

La brigade du rire de Gérard Mordillat, (2015) j’ai réussi à aller jusqu’au bout en me forçant. Pourtant j’aime bien Mordillat, son engagement politique, sa façon de faire dans ses livres de la place aux gens ordinaires. Aux petites gens.
Ce roman qui se veut drôle ne m’a pas tiré un sourire. Trop c’est trop, la littérature n’est pas un blog sur les méfaits du patronat (même si tout ce qui est écrit est juste). L’intrigue est si mince qu’on sent qu’il va falloir que l’auteur tire à la ligne pour remplir son bouquin. Et cela donne un livre raté.

Le seul livre à m’avoir séduit c’est

Otages intimes de Jeanne Benameur paru chez Actes Sud(2015)

Le résumé : Photographe de guerre, Etienne a toujours su aller au plus près du danger pour porter témoignage. En reportage dans une ville à feu et à sang, il est pris en otage. Quand enfin il est libéré, l'ampleur de ce qu'il lui reste à ré-apprivoiser le jette dans un nouveau vertige, une autre forme de péril. De retour au village de l'enfance, auprès de sa mère, il tente de reconstituer le cocon originel, un centre duquel il pourrait reprendre langue avec le monde. Au contact d'une nature sauvage, familière mais sans complaisance, il peut enfin se laisser retraverser par les images du chaos. Dans ce progressif apaisement, se reforme le trio de toujours. Il y a Enzo, le fils de l'Italien, l'ami taiseux qui travaille le bois et joue du violoncelle. Et Jofranka, l'ex petite fille abandonnée, avocate à La Haye, qui aide les femmes victimes de guerres à trouver le courage de témoigner. Ces trois-là se retrouvent autour des gestes suspendus du passé, dans l'urgence de la question cruciale : quelle est la part d'otage en chacun de nous ? De la fureur au silence, Jeanne Benameur habite la solitude de l'otage après la libération. Otages intimes trace les chemins de la liberté vraie, celle qu'on ne trouve qu'en atteignant l'intime de soi.

Extrait : Il regarde au soleil l'enveloppe. L'écriture, il la connaît si bien. Elle glissait des mots d'amoureuse dans son sac, dans ses poches, et les toucher, seulement les toucher du bout du doigt, au milieu du chaos, c'était retrouver un fragment de nuit avec elle, son odeur. L'envie furieuse de rentrer. Pourquoi aller se jeter dans ces lieux dévastés du monde. Dans son dernier voyage, il lui est arrivé de chercher du bout des doigts, machinalement, un petit papier au fond d'une poche. mais rien. L'histoire était finie…
… La vie n'est sacrée pour personne dans les guerres. On parlera toujours du nombre des tués. Tant qu'on n'a pas vu leurs visages, on ne sait rien.
Et lui, il est là pour ça.
Il continuera à regarder les visages.
La vie ne vaut que comme ça.

Mon avis : Très court roman tout en intériorité que j’ai lu sans pouvoir m’arrêter.
Des personnages construits et pleins de leurs contradictions qui se croisent et interfèrent dans un roman polyphonique aux thèmes variés : l'Amour de la Vie, l'enfantement, les liens uniques entre une mère et un fils, la mort, l'amitié, l'amour, l'engagement, comment survivre à la barbarie de la guerre ?, la liberté, la peur, la solitude des êtres, leurs ancrages originels qui font leur force ou leur faiblesse, la richesse et la sérénité du travail du bois.
La langue est riche, magnifiquement travaillée dans un style fluide et poétique sans tomber dans le poético-merdeux. À lire pour le plaisir du style et l'histoire.


Biographie:Jeanne Benameur est née en Algérie en 1952. Elle vit à La Rochelle et consacre l'essentiel de son temps à l'écriture.
Jeanne Benameur a déjà publié chez Actes Sud : Laver les ombres (2008 ; Babel n° 1021), Les Reliques (Babel n° 1049), Ça t’apprendra à vivre (Babel n° 1104), Les Insurrections singulières (2013 ; Babel n° 1152), Profanes (2013 ; Babel n° 1249), et Otages intimes (2015).
Elle a également publié pour la jeunesse, essentiellement chez Thierry Magnier.

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