La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



vendredi 4 septembre 2015

Mes lectures du moment

Numéro Zéro d'Umberto Eco 
Eds. Grasset (2015)


Résumé: En 1992, à Milan, Simei, le directeur d'un journal à créer, engage une poignée de journalistes. Le projet est commandité par le Commandeur Vimercate qui pourrait être Berlusconi. L'idée sous-jacente est que la presse quotidienne est battue d'avance dans la diffusion des nouvelles par les nouveaux médias, de la télévision aux réseaux sociaux sur Internet, Simei propose de faire un quotidien qui « parlera de ce qui peut advenir demain » en utilisant des « anticipations inattendues. » La rédaction s'attelle à écrire son premier numéro d'essai, le numéro zéro. Le groupe de journalistes, cinq hommes et une jeune femme, pensent être embauchés pour créer un nouveau quotidien dédié à la recherche de la vérité, mais qui se révèle chaque jour devoir être un instrument de calomnie et de chantage. Ils fouillent dans le passé et c’est le présent qui s'impose...

« L’ombre de Mussolini, donné pour mort, domine tous les événements italiens depuis 1945 » : est-ce là le délire d’un journaliste d’investigation paranoïaque ? Après enquête, il semble avoir soulevé un lièvre de taille, Mussolini ne serait pas mort en 1945, diverses complicités internationales aux plus hauts niveaux auraient permis de différer de vingt ans sa mort, ce qui jette une ombre sur la vie politique en Italie depuis la dernière guerre… et gare à celui ou celle qui révélera ce secret Attentats, tentatives de coups d’Etat, empoisonnements, complots, stratégie de la manipulation, de la désinformation et de la tension : quand tout est vrai, où est le faux ?

Extraits : "Et si, hier encore, je pensais que c'était un mythomane, sa mort lui conférait à présent une certaine crédibilité." 

" Et le Vatican ? Même si l'histoire n'était pas vraie, que l'Eglise n'a pas protégé la fuite du Duce presque cinquante ans, elle finira dans les journaux. Ajouté à tous les ennuis qu'ils ont avec Sindona, Calvi, Marcinkus et compagnie, avant qu'ils aient pu démontrer que l'affaire Mussolini est de l'intox, le scandale aura éclaté dans toute la presse internationale. Ne vous fiez à personne, ..." 

"Les téléphones portables, avait répliqué Simei, ça ne va pas durer. Primo, ils coûtent les yeux de la tête et rares sont ceux qui ont les moyens. Secundo, les gens s’apercevront d’ici peu qu’il n’est pas indispensable de téléphoner à tout le monde et n’importe quand, ils regretteront les conversations privées, en tête à tête, et à la fin du mois, ils recevront une facture exorbitante. C’est une mode qui durera un an ou deux au maximum. Pour le moment, les téléphones portables ne sont utiles qu’aux adultes qui souhaitent éviter d’utiliser le téléphone de la maison, et peut-être aux plombiers, qui sont susceptibles d’être appelés à tout instant quand ils sont en déplacement."


Mon Avis: Dans ce roman l'auteur aborde sous une forme quelque peu parodique la manipulation de l'opinion de "l'homme de la rue" par les informations vraies ou fausses que publient les journaux ou diffusent les médias à l'heure du WEB.

Umberto Eco développe avec humour les mécanismes de la théorie du complot, vérités cachées par les pouvoirs. Il démonte la façon de fabriquer de la désinformation. Il évoque les mensonges d'Etat. Du Gladio à la loge P2, des services secrets américains exfiltrant d'anciens nazis après guerre aux magouilles du Vatican, des Brigades Rouges à l'attentat de Bologne en 1980, tout est lié et trouve ses racines dans la fausse mort de Mussolini.
Pour info le Gladio est une structure créée dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour faire face à une menace soviétique. Gladio désigne l'ensemble des armées secrètes européennes, dont l'existence a été révélée publiquement en 1990 par le Premier ministre italien Giulio Andreotti. 
Ce roman court (moins érudit que d'autres du même auteur) se laisse lire, le lecteur oscillant entre la vérité historique et la démesure parodique. Des moments savoureux comme le décryptage des annonces matrimoniales à des passages qui  traînent en longueur pour le lecteur peu informé de l'Histoire Italienne embrouillée d'après-guerre. Les personnages sont un peu caricaturaux mais tout de même crédibles et les dialogues sont bien menés. Je ne sais pas pourquoi malgré toutes ses qualités ce roman m'a laissé sur ma faim. Malgré son érudition et sa subtilité, Umberto Eco n'est pas encore parvenu à faire un véritable thriller politique à la Marc Dugain.


Biographie:  Umberto Eco, né en 1932 à Alexandrie dans le Piémont (Italie). Il est universitaire et romancier italien. Reconnu pour ses nombreux essais universitaires sur la sémiotique, l'esthétique médiévale, la communication de masse, la linguistique et la philosophie, il est surtout connu du grand public pour son roman le Nom de la Rose paru en 1982. Titulaire de la chaire de sémiotique et directeur de l'École supérieure des sciences humaines à l'université de Bologne, il en est professeur émérite depuis 2008. Son septième roman, Numéro zéro, vient de paraître.


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