L'appel de la rivière de Ketil Björnstad
Ed. Le Livre de poche (2008)
Résumé, Le jeune Aksel Vinding a été
bouleversé par la mort de son grand amour d’adolescence : Anja Skoog. Au
moment où il doit faire ses débuts en public, il se met à douter de tout. De sa future carrière
de pianiste, de sa capacité à surmonter le chagrin.
Il devient par le hasard d’une petite annonce
le pensionnaire de Marianne Skoog, la mère d'Anja. Il va vivre désormais dans
la maison où le père d’Anja s’est suicidé et où son amour est morte. Il répète
sur le piano d’Anja, en pensant à elle et fasciné par Marianne, sa mère, fruit défendu, amour tabou. Il ne faut pas
en dire plus afin de préserver la découverte du roman.
Extrait : J’observe le piano à queue dans le salon en
songeant tout à coup que l'instrument se dresse entre le monde et moi; que je
me suis noyé en lui et ai à peine survécu à cette noyade, moi qui suis censé
transmettre un message important sans pour autant que je sache tout à fait si
le message de la musique est important. Je suis pour la énième fois saisi par
une soudaine incertitude quant à la justesse de mon choix: je me demande à
nouveau si je veux vraiment devenir musicien, si je peux avoir aux yeux des
gens autant d'importance que Marianne en a eu pour ses patientes parce qu'elle
est, elle, en permanence impliquée corps et âme dans ce qu'elle fait, parce
qu'elle a un devoir social et une vision politique.
Mon Avis : Ce livre fait suite de la
Société des Jeunes Pianistes. Nous retrouvons Askel le jeune pianiste prometteur du premier tome dans les tourments du deuil aux prises avec une passion pour une femme plus âgée. Cet amour est difficile à vivre même dans les années '70, l'idée d'interdit étant sous-jacente à ce genre de relation, en particulier quand la différence d'âge est en défaveur de la femme. Rappelez-vous l'histoire (vraie) de Gabrielle Russier ! Comme le premier tome,
encore davantage peut-être, c’est un roman sur les choix existentiels, les
dilemmes moraux (Askel a une prédilection pour les situations compliquées, parfois morbides, est-ce lié à la mort de sa mère ?). Ce livre est aussi une réflexion sur la place de l'art dans la vie. Mais c'est
surtout un roman sur l’amour non raisonnable et le chagrin, l'auteur a su éviter de rendre scabreuse la relation entre Askel et Marianne. Evidemment, on pressent que ça finira mal,
mais on espère à chaque page que la raison l’emportera sur les sentiments ou
que d’un coup de baguette d’une bonne fée, la vie pourrait se montrer clémente
pour les protagonistes. Mais on ne fait pas de littérature avec de la
mièvrerie de roman-photo et L'appel de la rivière bien que sentimental et romantique n'est pas dans cette veine-là. On serait plus proche du roman épistolaire de Goethe, Les souffrances du jeune Werther.
Ce roman est dense, musical, écrit, ne l’oublions pas, par un pianiste
virtuose qui a le sens du rythme. On change de tempo en fonction de l’action et
des sentiments. C’est assez souvent Largo sans être ennuyeux.
L’auteur n’est pas minimaliste dans son
style, au contraire, il décrit à profusion mais sans saturer le lecteur de
clichés. On a en bruit de fond, Malher et sa troisième symphonie, les chansons
de Toni Morrissno… et même des conseils post mortem de Schubert… Cependant, la musique est moins présente que dans le premier volume. J’ai beaucoup aimé l’histoire, cette tristesse
propre à la fin de l’adolescence, cette atmosphère des pays nordiques ou la nuit dure six mois. Deuxième essai réussi pour cette trilogie dont le troisième volume n'est pas paru.
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