Croisades de Michel Azama
éditions Théâtrales (1989)
Ce livre est un texte
théâtral. Il vieillit comme une bonne bouteille sur l’une de nos étagères
consacrées au théâtre entre Desarraigada de Pierre Astrié et Moulins à paroles
(2) d’Alan Bennett.
J’ai eu l’occasion de travailler sous la direction Michel Azama au Théâtre de l’Est Pasisien.
Il fut l’un des « maîtres » des ateliers d’écriture (écritures collectives ô combien formatrices) dans lesquels
j’ai puisé le goût de coucher sur papier ce qui me traverse, me hante.
Une façon de m'en délivrer en le livrant.
Une façon de m'en délivrer en le livrant.
Michel Azama avait
une façon très particulière d’aborder la naissance d’un texte, imaginer un fil
tendu entre le fait divers et la mythologie. Ecrire des histoires qui sont dans l'Histoire sans oublier d'y glisser de l'humour qui permet de distancier et de supporter l'horreur des catastrophes.
Croisades est la synthèse
de cela. Il a partagé avec Roland Fichet, Philippe Minyana
Jean-Pierre Renault et Yves Reynaud, entre janvier et mars ’88 une résidence
d’écriture à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. Croisades ainsi que les quatre autres textes ont été présenté par
les élèves du CNAD de Paris au festival d’Avignon en Juillet ’88 dans le cadre
des Rencontres Internationales de la Chartreuse
Nous avons rendu visite à
Michel Azama, plus tard en ’93 il me semble, avec mon compagnon. Il nous a
fait visite cet endroit exceptionnel où les écrivains trouvent le calme – le recueillement - nécessaire à l’écriture, logés dans les cellules monastiques, avec pour distraction le cloître et ses buis odorants. Un lieu de partage avec d’autres écrivains en
résidence, rompant la solitude habituelle du dramaturge face à ses mots.
Croisades est une pièce
inclassable, étrange, l’histoire se passe là-bas, dans un ailleurs qu'on imagine quelque part dans ce bassin
méditerrannéen où les guerres se succèdent. Peu importe le lieu, il y a toujours
deux camps, entre les deux la vie des gens, les enfants qui jouent à la guerre et sautent
sur des mines (des vraies), des jeunes qui pourraient s’aimer au lieu de s’entre tuer. C'est une pièce sur la
guerre, celle à laquelle on joue, celle qu’on perd. Des situations terribles,
réalistes parfois, imaginaires et cauchemardesques le plus souvent. Il s'y joue les conflits qui font que des hommes sont des
sauvages, de nos jours (’88 mais aussi 2013) et il y a bien longtemps au temps des Croisades… On y
côtoie des vivants et des morts qui prennent encore la parole comme ces personnages magnifiques de Maman-poule, du petit vieux et de la petite vieille.
Je relie cette pièce
réguièrement, elle m’inspire, elle est comme un cœur qui bat.
Je cite un petit
extrait du Prologue :
La petite fille :
Tchac ! (elle arrcahe
un bras à sa poupée),
Ma oupée à perdu un bras
dans un bombardement
Le petit garçon :
Vite ! Il faut bruler
pour que ça saigne pas.
La petite fille :
T’es bêt. C’est une
poupée, ça saigne pas.
Le petit garçon :
Il faut brûler quand même.
C’est comme ça qu’on fait. (Il brûle l’épaule de la poupée avec une allumette).
Elle pue. Le plastique pue exactemnet comme les gens quand on les brûle.
La petite fille :
C’est une poupée bien. Attention ! Elle a
pris un éclayt d’obus. Tchac ! Tchac ! Une jambe et l’autre brsas.
Le petit garçon :
T’exagères. Tu vas finir
par la tuer.
La petite fille :
Brule ! Brûle !
Ah ! ça pue c’est formidable ! On peut tout enlever tant qu’on enlève
pas la tête elle est pas morte.
(…)
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