La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



jeudi 28 février 2013

Mes lectures du moment

L'art français de la guerre de Alexis Jenni éditions Gallimard (2011)


Ce n'est pas vraiment une lecture du moment c'est le Goncourt 2011. J'avais eu de la prescience en l'achetant avant qu'il ne soit couronné. 




Présentation par l'auteurJ'allais mal ; tout va mal ; j'attendais la fin. Quand j'ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l'avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n'arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu'aux coudes. Mais il m'a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l'armée coloniale, mais là-bas on ne faisait pas attention à ces détails. Il m'apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l'art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l'émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue.» Alexis Jenni.

Résumé : Livre de 630 pages, très difficile à résumer. Il touche à tant de choses, d'évènements, d'actions, de sentiments contradictoires. Il faut le lire, car l'histoire, les histoires, la grande et les petites ne peuvent pas se résumer en 4 lignes forcément réductrices. Deux personnages principaux, un vieux briscard revenu de tout Victorien Salagnon, et le narrateur, un jeune homme en voie de marginalisation en banlieue lyonnaise. Chapitres entrecroisés de narration et de commentaires du narrateur.

Mon Avis: C'est le livre de 2011 que j'ai préféré. Il peut déplaire énormément (un peu à la façon "Des bienveillantes") ou le contraire. Il ne laissera personne indifférent. On y parle de "nos" guerres. Celles des grands parents, des parents, des gens de la génération des années 55-60, et de la guéguerre qui se déroule  autour de nos villes dans ces endroits mal aimés qu'on nomme banlieue, faute de trouver un nom qui dise mieux le sentiment de ceux qui y vivent et de ceux qui les "visitent". Mais le sujet du livre n'est pas seulement la guerre, c'est l'amitié singulière qui se noue entre deux êtres à la fois si dissemblables et si proches. La guerre, c'est le ciment qui va les lier, un étrange échange 
- des mots contre du dessin à l'encre de chine… et il y a l'Art. Les personnages sont étonnants, détestables et admirables… tellement humains. Et c'est cela qui dérange peut-être ceux qui n'aiment pas ce roman. 
Alexis Jenni nous embarque avec ses personnages dans presque un siècle d'histoire, on y côtoie la résistance, la torture, l'horreur de la guerre d'Indochine et le personnage qui en reprend pour une autre, l'Algérie… 
Pour certains de ces Anciens Combattants qu'on découvre dans le roman, les indépendances successives de nos colonies sont autant de défaites, ce sont des plaies jamais cicatrisées. Le livre nous aide à comprendre pourquoi, sans juger. Rien que pour ça c'est un très bon livre. Et puis, il y a ce parallèle qu'on ne peut s'empêcher de faire entre la force sécuritaire employée dans nos colonies et le tout sécuritaire que réclame une frange de la population qui en a marre d'être confrontée à la violence des cités. Alexis Jenni laisse penser que la militarisation du maintien de l'ordre dans nos banlieues s'apparente à un prolongement des guerres coloniales. L'écriture est belle, imagée, fluide, poétique sans trop. C'est long, mais à aucun moment je n'ai eu la tentation de sauter un passage. Il y a un "style" Jenni.
Différents points de vue sur Babelio

Un extrait de la première page.


Biographie: Alexi Jenni est né en 1963. IL est professeur de Biologie au lycée Saint Marc de Lyon.C'est son premier roman. Couronné en 2011 par le prix Goncourt.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire