La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



mercredi 20 février 2013

Avant goût

Avant goût d'un texte à jouer, actuellement en chantier d'écriture

Titre provisoire : "L'atelier d'écriture"



Scène 1

L’éditeur : Un zeste de sexe, une goutte d’émotion et tu complètes à ras bord de situations qui font pchitt. Une réplique, un gag. Distraire, faire rire, des bons rires vendeurs. La queue à la billetterie, complet tous les soirs même le dimanche. En période de crise, on vient au théâtre pour oublier la poisse du quotidien. Et nous on vend des exemplaires à la sortie.

L’auteur : Et bling bling pour l’éditeur !

L’éditeur : Encore une idée reçue mon pauvre Christian. L’édition théâtrale ne rapporte pas un kopeck. Tu le sais ? Une question, combien en a-t-on vendu de ta dernière pièce ? Une tragédie de six heures, pour vingt comédiens. Juste bon pour le subventionné,… et les subventions de nos jours…

L’auteur : Et ma liberté d’artiste ? Donner du sens, donner à voir, à comprendre.

L’éditeur : Qui te parle de donner ? Là on parle de vendre !

L’auteur : Et tu suggères quoi ? Un vaudeville hilarant sur les aventures sexuelles de ma soeur ? Mon cul sur la commode ? Un blaireau dans ma salle de bains ?

L’éditeur : Pourquoi pas ?

L’auteur : Tu plaisantes-là ?

L’éditeur : Ecoute mon vieux, la direction a changé. Nos repreneurs taiwanais ont l’œil fixé sur le chiffre d’affaires. Je n’y peux rien. Si nos auteurs veulent qu’on les édite, ils doivent faire des efforts surtout dans les secteurs déficitaires. Sinon clac ! La guillotine.

L’auteur : En clair, ton message est prostitution ou disparition.

L’éditeur : Tu me reçois cinq sur cinq, Coco.

L’auteur : Tu me débites tous les clichés du maquereau ! Patrice, s’il y a un seul mot de vrai dans ton discours, j’irai voir ailleurs.

L’éditeur : Pas de chantage ! Que veux-tu que te dises ? Je joue au frein à tambour entre des financiers rapaces et des auteurs égocentriques dans ton genre. Si tu crois que c’est facile, prends ma place.

L’auteur : Chacun son rôle. Je suis dramaturge. Je ne vais pas pondre des comédies de mœurs pour que tes Taiwanais grimpent aux rideaux !

L’éditeur : Ce ne sont pas « mes » taiwanais, ce sont mes patrons et les tiens par ricochet. Médite là-dessus. Molière aussi était dramaturge, non ?

L’auteur : Où tu veux en venir ? Ils ne savent pas qu'il est mort? Ils veulent le prendre sous contrat ?

L’éditeur : Molière écrivait des comédies de mœurs pour le roi, les taiwanais valent bien Louis XIV, non ? Ce n’est pas honteux... les mœurs ! Et, on a pensé que… qu’en plus… qu’en sus de tes pièces, tu pourrais écrire un truc grand public, la biographie romancée d’un chanteur en vogue…  

L’auteur : Qui on ? On est un con. Une maxime de mon prof de philo ! « On » symbolise la lâcheté humaine.

L’éditeur : On, eux, nous… moi, le comité de pilotage… tu m’emmerdes. Le roman c’est aussi de l’écriture. Choisis juste un sujet un peu vendeur, un avocat grisonnant, une étudiante à longues jambes, ou si tu préfères l’histoire d’un metteur en scène connu et d’une comédienne arriviste. Un bouquin à couverture attrayante, colorée, une nana en premier plan en bikini, une plage, des sauvages emplumés !

L’auteur : Tu veux que j’écrive de l’ethnologie ! 

L’éditeur : Fais l’imbécile. Tu m’as très bien compris. Ah, j’y pense… un ami m’a demandé un service. Ça pourrait coller pour toi. Il bosse comme conseiller culturel à l’insertion dans une ville périphérique. Il a un projet fantastique autour de l’écriture. Il cherche quelqu’un de solide pour encadrer son machin. Ce sera payé et puis surtout, il promet qu’il y aura des retombées médiatiques, un docu fiction filmé par la télé. Un journaliste qui suivra l’affaire. Un truc qui ferait mousser ton travail, c’est bon à prendre. (Il cherche et sort une carte de visite qu’il lui tend.) Tiens, voilà ses coordonnées. Tu l’appelles de ma part Coco. On en reparle la prochaine fois. Un dernier mot, quand t’allumes ton écran avant même de poser les doigts sur le clavier, pense à la guillotine taïwanaise. (Il rit, l’auteur sort furieux) Il pourrait dire au revoir.

Noir.

2 commentaires:

  1. Très intéressant, tenez moi au courant pour la sortie

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    1. Je n'y manquerai pas. mais il reste un long chemin a parcourir, finir l'écriture, trouver un éditeur et une Cie pour jouer le texte. Le parcours du combattant comme à chaque fois. Merci de votre intérêt.

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