La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



mardi 15 mars 2016

La fonction du dialogue direct inséré dans un récit


Louise Caron

Cet article est destiné à répondre aux questions que mes stagiaires d'atelier d'écriture et d'autres écrivains débutants posent le plus fréquemment concernant le dialogue. 

J'écris à la fois des oeuvres dramatiques destinées à la scène et des oeuvres romanesques. Je suis confrontée aux deux types d'écriture, qui ne reposent pas sur la même stratégie de "capture" de l'attention du spectateur ou du lecteur. Les dialogues théâtraux ne sont pas directement utilisables dans un récit. Le dialogue romanesque est très spécifique.  "Retranscrire" ou plutôt "transformer" les conversations quotidiennes en dialogues pertinents demande un travail important de questionnement à la fois sur ce que cette conversation  apporte et sur la manière concrète de faire "dire" aux personnages des choses qui font progresser la narration.

Dans cet article illustré d'exemples, je ne m'intéresserai qu'au dialogue en discours direct inséré au sein d’une narration.
NB: Le dialogue romanesque reflète assez bien les  modèles élaborés en linguistique pour les fonctions du langage parlé (Pour ceux qui voudraient piocher : un article à propos des travaux de Roman Jakobson http://www.signosemio.com/jakobson/fonctions-du-langage.asp) ou les travaux de Pierre Boudieu : Pierre BourdieuCe que parler veut dire : l'économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982)

***


Généralités

Le dialogue correspond à la mise en relation de deux ou davantage de personnes par un échange verbal. C’est une manière pour l’auteur  de faire parler directement ou indirectement ses personnages. Dans cet article, je l'ai dit,  je n’aborderai que le dialogue en discours direct inséré au sein d’une narration et la nécessité d’apporter à son écriture autant d’attention qu’au reste. 

Le piège est de croire que « comme tout le monde parle, il suffit que les personnages parlent comme tout le monde. »

NB : Il y a aussi des romans qui se passent fort bien de dialogues, par exemple, Jacob, Jacob de Valérie Zenatti, je pense à celui-ci car je viens de le lire…

En général une des questions qu’on se pose est : À quoi servent les dialogues dans un roman ?
Maurice Blanchot, en 1959, conférait au dialogue une simple fonction d’aération, de mise en page et d’effet de réel. Depuis le point de vue s'est élargi.

Pour moi, le dialogue va  bien au-délà des effets de mise en page et de vérité. 
Mais c'est une partie extrêmement difficile à construire à cause des enjeux stylistiques et idéologiques qui s’y rattachent et les subtilités de leurs effets dramatiques.

Bien souvent en lisant ou en corrigeant des textes, je constate que l’articulation entre dialogues et récit demeure insatisfaisante au sein d’un même récit.  
Afin d’être didactique, je vais suivre un plan conceptuel, cependant il ne faut pas perdre de vue que la stratification proposée n’empêche pas des recouvrements.


Fonctions principales

J’ai souvent lu ici et là  ( c'est une vieille idée) que la fonction principale du dialogue est de donner au récit de la vraisemblance, parce que dans la vie les gens se parlent. Même si cela est vrai c’est tout à fait réducteur. 
Nous allons passer en revue quelques-unes des fonctions du dialogue dans un texte narratif.


I- Fonction d’information spatio-temporelle:

 1 : la situation, le lieu, le moment, l’ambiance d’une scène, le rôle du personnage dans l’action.


INFORMER SUR LA SITUATION : Exemple  1:

Demain la femme de mon frère frappera doucement à ma porte :
— C’est Anna.
J’ouvrirai, elle posera sa valise. Nous nous saluerons.
— Vous partez ? Vous n’avez plus besoin de la chambre ?
— Non, j’ai ramssaé toutes mes affaires.
— Si vous avez oublié quelque chose, j’irai vous le porter.
— Non, vous n’aurez qu’à le descendre  chez la concierge.
— Bernard rentre quand ?
— Les prisonniers sont libérés au compte-goutte alors, comment savoir.

Ce court dialogue en dit  long sur la situation et la relation entre les deux femmes :
- La narratrice imagine la scène du lendemain 
Anna la belle-sœur de la narratrice quittera la chambre qu’elle occupe chez elle. Anna ne souhaite pas particulièrement qu’elle passe la voir après ce départ, le frère de la narratrice  est encore prisonnier mais devrait rentrer, ce qui motive probablement le départ d’Anna. : (dans cet extrait on ne sait pas si le retour aura lieu ou si ce n’est qu’un souhait)

INFORMER SUR LA SITUATION : Exemple  2


— Je dîne rapidement. Je prends le train demain de bonne heure. Alors…
L’homme se met à rire. Un gros rire jovial qui distend sa face de lune. Son regard porcin me met mal à l’aise.
— Vous n’écoutez pas les infos, Madame. Les cheminots se sont mis en grève. Demain, il n’y aura pas de trains. Aucun train. Je suis coincé ici, vous aussi. On nous prend en otage. Les gouvernements changent, mais personne ne fait rien. Les fonctionnaires, c’est sacré. Sacré bordel, oui !
Content de sa formule, le bonhomme. Large sourire qui rentabilise son dentier. J’intègre ce qu’il vient de dire et ce que ça implique.
— Il y aura bien un TGV pour Nîmes, après je me débrouillerai…
— On peut toujours rêver ! Je me présente Anselme Duport. En un seul mot. Pas de particule. Je suis porcelainier à Limoges.

Ce court dialogue (extrait) renferme plusieurs élements : le lecteur comprend que la femme ne veut pas que son interlocuteur s’incruste. Elle lui donne un prétexte.
Son prétexte  (se coucher tôt) ne tient pas puisque les trains sont en grève. Ce que l’homme lui apprend. À la façon dont il sexprime sur la grève le lecteur sait qu’il n’est pas favorable aux fonctionnaires, le genre d’homme qui aboie contre le gouvernement.
On apprend que la femme repart à Nîmes, mais qu’elle doit aller plus loin.
La dernière réplique du dialogue montre que l’homme va s’inscruster, il se présente. On apprend ce qu’il fait.


2- Permet de placer un moment narratif ou descriptif dans la bouche d’un des personnages (On appelle cela l’exposition).  

Ce type de dialogue est souvent engagé par une question du locuteur ou par un rappel à la mémoire. Si ce moment est long (récit historique ou histoire alambiquée, il est souhaible de couper en fragments plus courts. A éviter dans les textes à jouer.
L’idéal est quand l’exposition contient des éléments qui relancent le conflit

LE DIALOGUE  D’ EXPOSITION

L’homme peu amène se tourna vers moi. J’eus l’impression qu’il scrutait mon âme. Son regard a duré le temps d’un supplice. Je ne savais pas où poser les yeux. Et puis, il a commencé à parler.
— Peu importe mon nom. Disons qu’on m’appelle Yacef. Je suis natif de Batna comme votre père. J’ai participé à la révolution algérienne depuis la France. Tout était à organiser, à la fois de l’intérieur et de l’extérieur…
 Les camps opposés d’hier figés dans leurs souvenirs ont construit leurs légendes. Selon qui la chante aujourd’hui — des immigrés, des rebelles, des harkis ou des pieds noirs — l’air et la musique varient. C’est normal. Chacun a aménagé des petits bouts de vérité. Ça permet de se rejouer la tragédie. Ma vérité, je vais vous la dire, j’aimerai qu’elle reste entre nous. Commençons par les prémices de la révolution. Il ne faut pas croire, Mademoiselle, que celle-ci a résulté d’un soulèvement unanime du peuple. La population dans sa grande majorité s’en foutait un peu comme vous. Ils étaient malheureux, maltraités pauvres comme les pierres, esclaves des colons, mais résignés. Seuls les politisés se sont rebellés au début. Seulement les chefs avaient des opinions divergentes et inconciliables. Ils se livraient à une guerre d’influence fratricide. Ça datait de bien avant le soulèvement ! Ça dure toujours d’ailleurs, et c’est l’Algérie qui en fait les frais. Mais cela ne vous concerne pas. La population arabe devait soutenir les rebelles, nous ne lui avons pas laissé le choix. Et un parti devait l’emporter sur l’autre. Le FLN a été plus fort que le MNA, ou  plus intelligent !

Je n’ai pas oser demander à Yacef ce qui se cachait sous ces initiales par crainte qu’il se dérobe.
— Certains comme votre père étaient en France avant que ça barde, mais la guerre les a rattrapés ici. Un Algérien restait un Algérien même en métropole. Hélas pour nous les Algériens n’étaient tous pas nationalistes, loin de là. Parmi les intellectuels, beaucoup étaient des réformateurs prêts à collaborer avec les français dès lors que ceux-ci auraient mené une politique plus équitable vis-à-vis des arabes. Ils se sont fait mener en bateau ces collabos ! Le problème après le soulèvement du 1er novembre 1954 dans les Aurès,  aussi bien pour les Français qui ont réprimé le mouvement que pour les sympathisants, a été de déterminer qui était réellement derrière.

J’ai pensé que Yacef faisait exprès de s’étendre sur des détails pour me contrarier.
— Il y a eu deux mille arrestations. Les forces de l’ordre s’en sont pris principalement aux militants du mouvement de Messali Hadj, le leader nationaliste. Ceux-là, pour la plupart, ont déclaré à la police qu’ils n’avaient pas participé aux attaques terroristes. Alors qui avait déclenché l’insurrection ? hein ? La question se posait.
Ferrot est intervenu.
— Et permettait toute les récupérations. Tu seras d’accord avec moi Yacef
— Si tu me coupes, elle ne va plus rien comprendre à cet imbroglio politique.

Ce long dialogue d’exposition fait le point sur les débuts de la guerre d’Algérie. C’est indispensable si l’auteur veut que le lecteur comprenne dans quel engrenage l’un des personnages s’est trouvé embarqué. L’astuce consiste à insérer dans le dialogue des réactions du locuteur  (souligné)  et aussi de faire intervenir un troisième larron (en gras) qui donne de la vie et relance l’interêt.

II-  Fonction d’information et rôle descripteur du personnage 

1- Ce qu’il dit reflète ce qu’il est, ou au contraire le dissimule.


INFORMER SUR LE PERSONNAGE : Exemple 

Doris sert le lait fumant. Elle me tend une tasse.
— J’ai mis du miel. Buvez avant qu’il refroidisse Tiède, le lait est imbuvable. Prenez un biscuit avec…Vous n’êtes pas d’ici, vous.
— Ça se voit tant que ça ?
Elles éclatent de rire, et font oui de la tête.
— J’habitais ici avant,… Je veux dire à Paris. A présent, je vis dans les Cévennes.
— Les Cévennes, c’est le trou du cul du monde !
— Excusez Myriam, elle un vocabulaire de cocher. Elle tient ça de son mari. Il était grossier comme un russe. D’ailleurs, il l’était. Un fils de prince ruiné qui faisait le taxi.
— Grossier ou pas, c’est la vérité imagée. Trou du cul du monde, ça veut dire ce que ça veut dire. Je ne te fais pas un dessin.
Doris demande :
— Vous faites quoi en Cévennes ?
— J’ai un moulin. Je fabrique de la farine de châtaigne.
Sa soeur remarque :
— Vous ne ressemblez pas à un meunier. Ni à une meunière.
— Et ça ressemble à quoi, une meunière ?
— Ça s’envoie en l’air avec le commis pendant que le meunier ronfle !
— Je n’ai pas de commis. Pas de meunier non plus.
— Dommage. Vous mériteriez d’avoir les deux. 
Je suis devenue écarlate. Consciente de ma gêne, elle change brusquement de sujet.
— Vous êtes à Paris pour le plaisir ?
— Oui. Enfin, non. Je suis venue voir mon…, un…, une…
Je bute sur le mot à employer. Mari, ennemi, relation.
— Quelqu’un dont vous n’avez pas envie de parler !
— C’est ça.
Merci Doris. Je suis soulagée. Myriam tenace reprend l’interrogatoire :
— Votre famille est de là–bas ?
— Mes parents sont décédés. Ils étaient bretons.
— Pas d’enfant ?
— Une fille. Une grande fille.
Léa je vais la voir demain. Ses boucles brunes, ses yeux de jais. Sa peau mate à l’odeur de santal. Une bouffée de bonheur me submerge. Puis tout retombe. Myriam insiste :
— Une fille unique et trop gâtée ?
J’hésite. Finalement je réponds :
— Mon fils aîné s’est noyé.
— Pardon. Je suis désolée. Excusez-moi.
— Vous ne pouviez pas savoir.
Un silence s’installe. Une gêne qui leur fait contempler le plafond. Gorki ronronne les yeux mi-clos. Je vais au bout de la confidence.
— Il avait seize ans. Ils ont dit : « Un stupide accident. » Moi, je sais qu’ils se sont trompés. Un meurtre. Guihlem ne serait jamais parti en mer un soir de tempête. C’est à cause de son père. Cette façon de trancher de ce qui est bien ou mal. Ces préjugés sur... sur tout. Son père clamait impitoyable : « Tu seras un homme mon fils.» Un homme. Tout était dit. Le lendemain, on a retiré des flots le gamin mort. On ne lui a pas laissé la chance d’arriver à l’âge d’homme. Ce jour-là, j’ai mis un révolver sur la tempe de mon mari, j’ai pressé sur la détente mais le révolver n’était pas chargé… Après ça, c’est comme un gouffre. Un grand vide où je sombre. Je tente de dissoudre le passé dans le chagrin. J’abandonne tout. J’efface les traces. J’attends que la mort vienne ou le châtiment pour le coupable… et je survis comme je peux.

Dans cet exemple, le personnage qui est également la narratrice livre et confirme en quelques répliques tout ce que le lecteur a besoin de savoir à ce moment-là de l’histoire. Ni plus ni moins.
Ce dialogue donne des indications précieuses sur le personnage, sa psychologie, ses motivations à être à Paris, l'accident du fils, la psychologie du père.


2- Donne des indications de sa relation aux autres personnages.


INFORMER SUR LA RELATION AUX AUTRES PERSONNAGES : Exemple 

Le médecin militaire Wabroski s’en était ouvert au commandant Smith :
– Commandant, j’ai examiné le sergent Barnes. Il présente un tableau clinique inquiétant. Si vous voulez mon avis, il a besoin de repos. Peut-être une permission. Il ne se confie pas, mais ses camarades disent derrière son dos qu’il a des ennuis familiaux. Lopez...
– Wabroski, vous colportez des ragots !
–À mon avis, mon commandant, si vous le permettez...
– Votre avis, je m’en branle, major Wabroski.
Conscient de sa brutalité, Smith reprit, plus conciliant.
– Vous avez certainement raison, Wabroski. Seulement, j’ai une mission à accomplir. Assurer à la population locale notre aide à la reconstruction.
Ce n’est pas du pipeau, bordel, vous comprenez ça,
major ? J’ai besoin de mes hommes. Il en tombe déjà
assez avec les engins des terroristes. Si vous allongez 
les autres à l’infirmerie ou pire, si vous les renvoyez
au pays dans les bras de leur blonde, comment je la 
mène à bien ma mission, moi ? Je ne vais pas reconstruire Bagdad à moi tout seul, nom de Dieu. Enfin
major, soyez logique, ils se sont engagés dans l’armée américaine, oui ou non ? Merde alors ! Qu’est-ce
qu’ils s’imaginaient ? Faire du tricot dans un rocking- chair, aller tringler les filles dans les bars à putes ?
– Ne croyez-vous pas que vous forcez le trait, mon commandant ?
– Bien sûr, je force le trait comme vous dites ! Mais moi, à leur âge, j’aurais porté le monde à bout de bras.
– Alors que décide-t-on pour Barnes ?
– Barnes est un bon soldat, il n’a pas la niaque, mais il est solide. Prescrivez-lui des somnifères avec un cocktail vitaminé et qu’on n'en parle plus !

Dans cet exemple, le personnage du commandant se positionne parfaitement dans le rôle qui est le sien par rapport au médecin et aussi aux hommes dont il assure le commandement. Il s’en tiendra à ce rôle tout au long du roman.
Ce dialogue permet d’éviter une longue description de la personnalité  et la façon de faire du Commandant.

3- Donne des indications sur ses pensées et ses sentiments.


INFORMER SUR LES SENTIMENTS DES PERSONNAGES : Exemple 


— On ne joue plus à ça, Guy ! Tu m’expliques ou tu t’en vas.
Il attrapa son sac et sa sacoche. Sans un mot. Il se retourna vers moi. Un rictus mauvais au coin des lèvres. Je vis sur sa veste, au niveau de l’omoplate, une auréole de sang séché.
— Tu es blessé ? Il fallait le dire !
Il continua vers la porte sans tenir compte de ma remarque. J’agrippai la courroie de son sac pour le retenir.
— Arrête ton cinéma... Ça va. Reste.
Il consentit enfin à s’arrêter.

— Tu es seule Rosa ?

Un regard soupçonneux vers l’escalier. La paranoïa de ceux
qui n’ont pas la conscience tranquille !

— Mon mari est à Marseille.

— Je n’avais pas voulu croire Nadia ! Alors, c’est vrai, Madame est mariée !

Sa phrase fut accompagnée d’une petite révérence, d’un sourire narquois.

— Épargne-moi ton couplet sur les valeurs bourgeoises du mariage. Être passés devant le maire n’enlève rien aux sentiments.
— Si en plus il y a des sentiments ! Chapeau ! j’admire en silence !
— Pourquoi es-tu venu ici, après tout ce temps...
— Quarante ans, trois mois et quatre jours. Je les ai compté ces putains de jours sans toi, Rosa. J’ai commencé à les compter dans l’escalier de la rue Monge. Tu te souviens de la rue Monge ?

Dans cet exemple, le personnage de Guy dévoile sa jalousie et révèle qu’il pense à Rosa et qu’il amême compté les jours. On comprend aussi que cet homme-là a des positions anti-bourgeoises.
Inutile d'ajouter qu'il tient à elle.

4 - Il peut aussi apporter des informations  d’ordre paradiégétique (social, philosophique, religieux, idéologique, politique…)

Le langage employé permettra de typer socialement le personnage sans avoir à le décrire. Il suffit de choisir un lexique précis ou des manies verbales.

INFORMER SUR LE TYPE SOCIAL  : Exemple 

— J’aurais souhaité rencontrer Mrs Barnes, savez-vous…
D’un doigt tendu, elle me montra la rue.
— Y’a pas de Mrs Barnes ici ! Faites erreur. Qu’est-ce qu’y a écrit là, sur la boîte ? Cooley. Savez pas lire ma parole ?
Le garçonnet se mit à pleurer, le bébé l’imita. Dans ce concert de cris, je lançai :
— Mrs Cooley, je suis venue de New-York pour parler de votre ex-mari, Niko Barnes.
— Z’êtes une pisse-copie à la recherche d’un scoop ! J’l’ai pas revu depuis des années. Rien à vous dire. Barrez-vous. Allez questionner sa mère, pas d’temps à perdre.
— Non, c’est à vous qu’il faut que je parle. Je suis la journaliste du Times à qui Niko Barnes a adressé une lettre. Vous en avez entendu parler, vous savez ce qu’il risque en s’accusant du meurtre de la jeune fille ? Alors si ce n’est pas lui, il vaudrait mieux le faire savoir.

Dans cet exemple, le constraste est flagrant entre les deux personnages. L’une est éduquée l’autre plus frustre et ses paroles dénotent une vulgarité, il n’est nullement nécessaire d’ajouter une description narrative du personnage ou de donner des indications redondantes comme "Elle dit vulgairement… ou Son intonation démontrait une certaine vulgarité."


INFORMATION paradiégétique: Exemple  1 (La foi)


Il est là,  occupé à visionner des radiographies sur un négatoscope mural. Pas besoin d’être toubib pour voir que la colonne vertébrale du type est en cassée en deux !
Sans attendre qu’on m’y invite, je me laisse tomber dans un fauteuil. Il se retourne et il dit :
— Je vous croyais repartie. Hier soir, votre fille pensait…
— Quand l’avez-vous débranché ?
— En fin de nuit. Sa voix tremble un peu sous le coup d’une émotion. Il ajoute :  A chaque fois que l’on procède ainsi, j’ai l’impression de vivre un échec. 
Il vient s’asseoir en face de moi de l’autre côté du bureau. Je lui dis :
— Vous n’y êtes pour rien.
— Si, justement. Seul Dieu devrait décider du moment, pas les hommes.
— Il me semble que dieu, s’il existe, avait déjà tranché !
— Vous n’avez pas la foi.
— Non.
— Souvent ça aide.
— Un emplâtre sur une jambe de bois ! Dieu est une grande duperie. Je sais de quoi je parle. Ceux qui prétendent régler nos vies au nom de dieu…
— Ne vous forcez pas à être aussi radicale. Il ne faut pas confondre Dieu et ses ministres. Je suppose que c’est à eux que vous vous en prenez.
— Je ne suis pas venue débattre du clergé ou entendre vos homélies. J’arrive de la gare et je dois y retourner le plus vite possible. Je suis très fatiguée, Docteur, tant d’émotions que j’avais mises au rebut… Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais la mort d’Antoine ne me laisse pas indifférente. Je voudrais le voir avant de repartir.


Dans cet exemple, les deux personnages s’opposent dans leur croyance en dieu. Le médecin est croyant et la femme non. Encore une fois, expliquer tout cela dans une narration aurait nécéesssité un assez long développement pas forcément compatible avec le genre romanesque.

INFORMATION PARADIÉGÉTIQUE: Exemple  2 (Les idées)

… Il pose enfin son livre et m’accorde un regard.
— J’ai fini ! Vous n’êtes pas fâchée.
— Pas du tout. J’aurais dû descendre mon bouquin. Nous aurions lu de conserve.
Il rit de ma répartie et demande :
—Et vous, vous lisez quoi ?
— Un essai sur le temps. 
Il chantonne : « Il y a le ciel, le soleil et la mer… » Ce n’est pas vraiment l’air. Je ris, enfin détendue après cette journée difficile. Je précise, pour ne pas laisser de blanc dans la conversation :
— Pas la météo. Le temps, enfin la durée. Etienne Klein, vous connaissez ? Le facteur temps ne sonne jamais deux fois.
— Je ne connais pas. Je devrais ?
— Ce n’est pas très grand public. 
J’ai conscience d’avoir gaffé. Je reprends: 
—  Je veux dire c’est… Ne croyez pas que je pense… ne pensez pas que je crois… Enfin, c’est un livre difficile.
— Vous vous enfoncez davantage à chaque mot. C’est quoi, votre prénom ?
— Eléonore.
— Moi, c’est Thibaut.
Nous buvons. Le vin laisse sur la langue une traînée de velours. Mon regard fuit le sien, il s’accroche aux rideaux grèges, toujours gonflés comme des voiles au vent.
— Vous voilà perdue dans vos pensées,
« What if I bade you leave
The cavern of the mind ? » 
Yeats est un merveilleux poète. Je l’apprécie plus qu’aucun autre. Sa passion pour une femme unique. Pour moi c’est…, à cause de…mon enfance cette fidélité me touche, disons que cela me parait… Ne parlons pas de cela. Ma vie n’a aucun intérêt. Revenons à Yeats, à son immense amour pour l’Irlande déchirée. Vous savez, sa poésie est au cœur d’une quantité de symboles, pas seulement érotiques ou mystiques. Il dit "Nous redevenons des dieux… " Pourtant la réalité quotidienne lui donne tort, n’est-ce-pas ? Nous sommes si terre à terre. Nous, je pense aux hommes en particulier. Pardon, je vous ennuie. Vous baillez !
— Non, mais je ne connais rien à la poésie anglo-saxonne. Je devrais ?

Dans cet exemple, on comprend que les deux personnages sont des intellectuels. Thibaut s'intéresse à la poésie de Yeats. Il réagit sur le contenu par rapport à son propre cas et aussi d'un point de vue philosophique  S'il avait lu un magazine comme Auto-moto, la figure du personnage en aurait été modifiée. 



III- Fonction de confirmation

la prise de parole ou l’échange verbal n’est écrit dans le roman qu’à seule fin d’authentifier les assertions du narrateur dont elles attestent la justesse. Effet de VERITE. (Très utilisé dans le polar ou le roman noir)

EXEMPLE DANS LE POLAR
On a lu dans la narration le paragraphe suivant.

L’homme au chapeau noir entra dans l’église vers 17h. Le sacristain le vit s’approcher de la statue de le Saint Joseph. Il sortit un cierge de sa besace et le plaça au pied de la statue sans l’allumer. Un autre homme s’approcha, jeta un coup d'oeil autour de lui et emporta le cierge. En sortant, il fit un geste vers l’homme au chapeau. Sur le moment le sacristain n’y pris pas garde. Ce n’est que plus tard que ces détails lui revinrent en mémoire.

Quelques chapitres plus loin  on  retrouve l’homme au chapeau noir dans le bureau du commissaire.

— À quelle heure dites-vous être allé à Saint-Augustin ? demanda le commissaire
— La cloche sonnait cinq heures quand je suis entré.
— Et qu’avez-vous fait ?
— J’ai prié.
— Rien d’autre ?
— Non.
— Vous n’avez parlé à personne ?
— Non
— Donc vous êtes ressorti presque immédiatement.
— Oui.
— Bon vous pouvez partir.

Le dialogue confirme la narration sur l’heure, et informe le lecteur sur le mensonge de l’homme au chapeau noir. Le lecteur en sait plus que le commissaire.


 IV- Fonction de cohésion  ou d’unité

L’utilisation des dialogues permet  de représenter la logique de la fiction et de justifier l’ordre de la narration. Souvent un dialogue introduit et clôt une scène.

Les séquences narratives correspondent aux unités de base du récit, sont fondées sur la décomposition d’une action en un processus en trois temps qui en marquent le développement : La possibilité de faire, passage à l’acte ou non et l’achèvement.
Tout se tient  à partir de la fin, car il ne peut y avoir de fin s’il n’y a eu passage à l’acte, il ne peut y avoir passage à l’acte s’il n’y a eu possibilité de le faire.
Mais l’inverse n’est pas vrai; après chaque fonction, une alternative est ouverte : la possibilté peut évoluer en passage à l’acte ou demeurer à l’état d’éventualité; le passage à l’acte peut atteindre ou manquer son achèvement. 


                                    



Ce schéma correspond à la structure d'une action et c’est particulièrement vrai dans les romans épiques. Au niveau de la narration, c’est souvent les dialogues qui feront passer d’un niveau à un autre. Loin d’être un simple commentaire de l’action, ils constituent les charnières qui permettent sa progression. Je vais chercher un exemple démonstratif et je l'ajouterai.

Dans  les romans classiques  (je prends pour exemple Flaubert, Balzac, Zola) les paroles de personnages jouent surtout un  rôle sémantique : en décomposant, en séparant explicitement les composants d’une action, ils rendent plus clairs les enjeux qui la sous-tendent. Ils ne modifient pas une situation et ne  produisent pas  une situation nouvelle.
C’est vrai aussi des bavardages mondains des soirées des romans de Marcel Proust.
Les dialogues qui rapportent ces conversations peuvent paraître non signifiants pour les personnages mais ils sont nettement révélateurs  d’une situation. Le langage que parlent les personnages renvoie aux lieux communs et aux banalités de la passion amoureuse par exemple ou du snobisme. 
Ce type de  dialogue chez les écrivains confirmés a moins pour but de parvenir à faitre évoluer l’action, la situation, ou à indiquer ce changement, qu’à illustrer les faux-semblants des comédies humaines, « la platitude et la vanité de toute communication »

Pour ma part je recommande aux écrivains novices d’éviter ce type de dialogues qui souvent ne véhiculent que des banalités et des clichés dans des mains inexpérimentées. Il faut savoir analyser le contenu avant de se lancer là-dedans tout le monde n’est pas Proust. 
Et la platitude de la communication est à proscrire le plus souvent possible



V FONCTION D'ATTESTATION

EXEMPLE DANS L’ASSOMOIR DE ZOLA

Le ménage vécut dans l’enchantement de sa nouvelle demeure. […] La cuisine était grande comme la main et toute noire ; mais en laissant la porte ouverte, on y voyait assez clair ; puis, Gervaise n’avait pas à faire des repas de trente personnes, il suffisait qu’elle y trouvât la place de son pot-au-feu. Quant à la grande chambre, elle était leur orgueil. […] Ensuite, Coupeau avait orné les murs de son mieux, en se promettant des embellissements : une haute gravure représentant un maréchal de France […] ; au dessus de la commode, les photographies de la famille étaient rangées sur deux lignes […] C’était vraiment une belle chambre.
— Devinez combien nous payons ici ? » demandait Gervaise à chaque visiteur.
Et quand on estimait son loyer trop haut, elle triomphait, elle criait, ravie d’être si bien pour si peu d’argent :
— Cent cinquante francs, pas un liard de plus !… Hein ! C’est donné !

L’échange de Gervaise et de ses visiteurs (indéfinis) est préparé par les adjectifs et les compliments valorisants qui annoncent le jugement qu’elle porte sur son logement. Il y a là un exemple d’une fonction d’attestation du dialogue. Il ne modifie pas la situation mais l’explicite.

  
VI-  Fonction dramatique

Pour moi, c’est certainement la fonction la plus importante qui recoupe en partie les autres. L’intégration du dialogue permet de faire avancer l’action par un processus actif ou passif. Stimule le conflit mais pas forcément en opposant les personnages dans un dialogue conflictuel. (Le conflit n'est pas une bataille).

Les paroles peuvent être des composantes essentielles de l’intrigue, des charnières ouvrant sur des voies diverses, elle doivent faire avancer l’action  au travers des événements capables d’engager des séquences actives. Le fameux faire plutôt que dire, dans le corps du récit.
Dans le dialogue on est plutôt dans  Dire c’est faire.
Mais ce slogan recouvre des situations différentes.
- Utiliser le pouvoir de la parole non seulement pour décrire le « monde » mais pour agir sur lui.
Un simple mot, une petite phrase peuvent être suivis d’effets spectaculaires ou non.

Certains élements conduiront à des textes où les paroles vont  changer le cours du récit, soit par une action, soit simplement par le contenu de ce que l’on aura dit.

1- Un individu peut s'adresser à un autre ou des autres dans l'idée de faire quelque chose ou de faire faire quelque chose 


Exemple à la bataille d’Eylau Napoléon  1° dit :

— Grognards, en avant, battons-nous jusqu’à la mort ou jusqu’à la victoire.

L’effet sera spectaculaire, des centaines de milliers de victimes resteront sur le champ de bataille après une victoire inespérée.

2 : L’élocteur « fait bouger » son interlocteur soit psychologiquement, soit physiquement, immédiatement ou ses actes futurs.


 Exemple - Provoquer l’action du personnage B GrACE AUX  mots de A.
Le soleil frappait au travers de la vitre et le radiateur en fonte irradiait. Henri ôta sa veste, le tissu de sa chemise lui collait à la peau. M° Perony continuait à compulser son dossier.De plus en plus mal à l’aise Henri s’agita et s’exclama.
— Il fait une chaleur insupportable, non ?
L’avocat alla fermer les persiennes.
— C’est aussi cette saleté de radiateur.
M° Perony traversa la pièce. Il posa la main sur le métal brûlant.
— En effet, constata-t-il. Je croyais l’avoir éteint.
Il essaya en vain de tourner le robinet rouillé.

Henri déclare qu’il a trop chaud, il ne demande pas directement à l’avocat de faire quelque chose, mais le simple énoncé  Il fait une chaleur insupportable, non ? suffit à provoquer chez l’avocat la réaction de fermer les volets. Il faut la seconde phrase de Henri :  C’est aussi cette saleté de radiateur. Pour que l’avocat aille éteindre le radiateur

Exemple de dialogue sans conséquence

— J’a vu ta femme en train de dormir au soleil         
— Elle dort tout le temps en ce moment.

EXEMPLES de dialogueS OÙ les paroles DU LOCUTEUR entraineront des conséquences POUR L'INTERLOCUTEUR

Exemple 1

A — Ta femme embrassait Pierre à pleine bouche. Ils étaient à poil au milieu du champ ! Tu ne peux pas laisser faire cela. Au bistrot quand t'as le dos tourné tu sais qu'ils disent... ils t'appellent le chef de gare!
B — Je vais la tuer !
Après avoir dit cela, il courut chercher un fusil.

Dans l’exemple , le fait d’avoir révélé à son interlocuteur B que sa femme embrassait Pierre conduit B à passer à l’acte. A a agit sciemment espérant la réaction de B;  il aurait pu ne rien dire à B. Il a donc fait un choix.

Exemple 2

Enfin, elle l’avait ce contrat, pour six mois, mais de nos jours six mois c’est mieux que rien. Tous ces entretiens depuis plusieurs semaines, le stress, la fatigue. Elle y voyait la cause de ses malaises, rien de bien inquiétant. Le docteur Taillandier lui avait prescrit des examens sanguins. Elle lui téléphona pour avoir les résultats.
— Je préfère vous voir. Venez à 17h.
A 17h, il la fit entrer dans son cabinet.
— Bon, Madame Lemineur, je ne vais pas tourner autour du pot. Vos examens présentent des anomalies.
— C’est grave.
— Je ne vais pas vous cacher que cette pathologie est très évolutive. Une forme de dégénérescence de la moelle osseuse.
— Mais on va pouvoir me soigner ?
— Je vais être honnête. Il n’y a aucun traitement efficace à long terme.
— Ça veut dire que je suis condamnée.
— À terme, oui.
— Combien de temps ?
— Moins d’un an.
La sidération l’empêcha de répondre.

Dans ce deuxième exemple, le médecin se contente d’être le messager du destin. Il n’a aucun pouvoir de cacher la vérité à la patiente. Ses simples paroles font basculer cette personne dans un "monde" différent. Celui de la mort annoncée. Le discours du médecin se rapproche de ce qu’on nomme en linguistique un acte perlocutoire.


On pourra utiliser dans le dialogue les ressorts dramatiques suivants  qui joueront sur le comportement des personnages et /ou l'action.

-l’avertissement ou la menace;
-les déclarations- d’amour, de guerre;
- le serment, la promesse, l’aveu = faire vœu de, garantir, parier, jurer de garantir
- les bonnes ou mauvaises nouvelles ;
- la proposition;
- le défi, l’insulte, le déni = nier, postuler, remarquer
- le comportement = s’excuser, remercier, déplorer, critiquer… 
- la dénonciation= accuser dénigrer...
- la sentence= acquitter, condamner, décréter…
- l’opinion
- l’élaboration d’un contrat ou sa rupture … .


Les qualités du dialogue

I - Clarté des propos = concision = ne pas embrouillez le lecteur avec des infos inutiles données pour faire beau ou pour se faire plaisir, sans rapport avec le sujet, éviter la pauvreté du langage et préférer la spécificité à la généralité.

  A PROSCRIRE ABSOLUMENT
 — Je te l’ai dit que la soeur du beau-frère du copain de Sylvie était un grand malade ! Waouh ! Ben oui, un jour, sa nièce m’a racontée, tu sais que son métier c'est de réparer des bagnoles.= mécanicien
— Non, je le crois pas, putain ! T’es sûre, tu ne racontes pas de craques, là, pfuitt !

II - Pertinence du dialogue (allez à l’essetiel tout en servant l’action), éviter de souligner par un paraphrasage avec des adverbes inutiles.

A la fin de chaque dialogue, le relire et se poser la question de ce qu’apporte chaque réplique et chaque mot, soit d’un point de vue sémantique et/ou performatif


III - Chercher à rendre la lecture vivante sans tomber dans le langage trop quotidiéniste ou les banalités d’usage qui ne font pas avancer l’action. Commencer le dialogue au bon moment.

  A PROSCRIRE ABSOLUMENT

— Bonjour toi ça va ?
— Moi ça va !
— Et bien je suis contente pour toi.

ou
— Le facteur est venu chez moi, il a dit :"j’ai une lettre pour vous"
— Une lettre c’est super intéressant, quoi!
— Carrément flippant.

ou
— Il est super amoureux de moi.
— Veinarde
— Il m apporte des fleurs à chaque fois qu'il vient me voir.
— Quelle sorte de fleurs
— Des pivoines
— Ah c’est un signe. Si elles sont rouges ça veut dire que....

ou

— Bonjour Monsieur, excusez-moi, mais vous portez des meubles, euh si c’est pas indiscret, vous déménagez ?
— Eh ben non, c’est le contraire. On arrive dans l’immeuble. On s’installe au septième.
— Ah bon ? C’est pas possible ça !
— Et pourquoi ?
 Il commençait à la trouver lourde. Pas la fille l ‘armoire.
— Enfin, je veux dire c’est juste à côté de mon appart'. Alors ça m’intéresse.
Vous avez dit on… ça veut dire que vous êtes plusieurs ?
— Oui, on fait une coloc.
— Ah,  bon, ben j’espère qu’on va bien s’entendre monsieur… monsieur comment ? Moi c’est Agrippine.
Elle lui tendit la main, mais il ne pouvait pas la prendre.

J’arrête là, c’est trop merdique vous avez compris.

Ces dialogues ressemblent assez à ce que l’on entend (hélas) tous les jours ! On les trouve intact dans les romances... . Ça fait vrai pensera un débutant. Non c’est seulement exécrable.
Les notions de vrai, de vivant, de réel doivent passez par le prisme du style.

Restent les romans de genre (polar, noirs où on s’attend à ce que les personnages s’expriment avec un lexique approprié voir Frédéric Dard, ou la romance dont le langage cucul la praline n’entre pas en général dans ce que je considère être de la littérature (c’est mon avis, vous pouvez ne pas être d’accord) et je me déclare incompétente en romance, le genre est si plein de clichés qu'il faudrait plus d'un article pour les pointer du doigt. Le plus simple serait encore que les écrivains en herbe se tournent vers autre chose, hélas... Tous les goûts sont dans la nature.


Construction d’un dialogue 

Dans le cas où il y a un narrateur externe, il y a changement d’énonciation dans le dialogue ;  ce n’est plus le narrateur qui s’exprime mais les personnages sans intermédiaire. Dans le cas où la narration est menée à la première personne (JE) si le narrateur prend la parole il le fait en personnage, pareil dans le cas où le narrateur a participé à l’histoire et y intervient en tant que personnage qui entre dans un dialogue.

EXEMPLE 1- de changement d’énonciation : Le narrateur cesse de s’exprimer et laisse la parole aux personnages.

Cette femme habitait le quartier depuis quarante ans. Elle connaissait tout le monde. Ce gaillard velu, lui, semblait l’ignorer.
— Je connais tout le monde ici, lanca-t-elle. Je les ai tous vus arriver un par un…
Il la regarda avec une tendresse bourrue et il lui coupa la parole. Elle était capable de raconter sa vie jusqu’au petit matin.
— Et lui, Grand-mère, tu l’as déjà vu ?
Elle saisit la photo qu’il lui avait collée sous le nez.
— P’te que oui, p’te que non. Ça dépend…

On remarquera que le dialogue se passe presque totalment de verbe introdutif de paroles

EXEMPLE 2 : Cas où la narration est menée à la première personne dans le dialogue si le narrateur prend la parole ;  il le fait en personnage,

J’étais avec H. je lui avais déjà posé quelques questions indiscrètes sur sa vie là-bas,  puis je m’étais tue. En général, il répondait du bout des lèvres,  s’excusait. À présent, il expliquait sans gêne le comportement de son camarade envers les filles de l’usine.
— Quand j’ai commencé à travailler à Paris, j’étais ébloui, la tête me tournait. {…} Les filles ici ont des corps qui font envie.
— Et vous avez aimé beaucoup de ces belles femmes ?
Quand je reprenais le vous, il savait qu’il m’avait contrariée.


Les verbes introducteurs


La place des verbes introducteurs  dans le discours direct varie selon la construction  narrative et leur emploi n’est pas systématique. C’est le sens  et la recherche de clarté (évier les ambiguïtés sur qui s’adresse à qui) qui va commander d’y avoir recours ou pas.

Mon avis de lectrice et d’auteur est qu’il ne faut pas en abuser. 
Ils alourdissent fort le dialogue.
Lorsque deux personnages se parlent et qu’il est clairement établi qu’il y a intervention de A puis B en alternance, on peut s’en passer sauf si on veut préciser une intention 
( la colère implique s’indiger par exemple)

1- Dans la phrase qui précède le dialogue. Exemple
Il se reprit :
— Non, je ne ris pas de vous.
  
2- Dans une proposition incise. Exemple

 Il m’a tendu une main ferme.
— Je suis Me Loiseau, annonça-t-il,  Allons dans mon bureau.

3- En fin de phrase dialoguée. Exemple

— Va-t-en, sale bête, lança-t-il en allongeant au chat un coup de chausson.


Le Français dispose d’une grande panolie de verbes précis qui permettent d’éviter l’emploi du  semptiternel verbe dire qui n’est pas précis et qui évitent des mots surajoutés (parler fort = crier ou vociférer….) on utilisera selon l’emploi et le sens :
Des verbes qui annoncent :
phrase déclarative : affirmer, répéter, annoncer, noter, conclure, ….
phrase injonctive : commander ordonner exiger,
phrase interrogative : demander, se rnseigner, s’enquérir, questionner, interroger, s’informer
phrase exclamative : s’indigner, s’exclamer, clamer,
phrase de reprise de parole ou de réponse : reprendre, répartir, répondre, répéter, riposter…
phrase introspective indiquant l’état du personnage : penser, songer, balbutier, pleurnicher.

Vous trouverez un répertoire bien fait sur :  http://www.espacefrancais.com/les-verbes-de-parole/

Exemple de dialogue avec peu de verbes introDucteurs (dialogue A puis B en Alternance)

Maitre Loiseau  voulut me rassurer.
— Je ne prends plus d’affaires criminelles, depuis plusieurs années. Je les laisse à mes deux confères. Je me suis spécialisé dans le droit commercial et les divorces. C’est à la fois moins difficile à plaider et plus rentable. Quant aux vilenies de la nature humaine, ne croyez pas qu’elles soient absentes de ce type d’affaires. J’ai vu des femmes dépecer, au sens figuré bien sûr, leur ancien conjoint. La haine succède trop souvent à l’amour. 
— Vous le constaterez bien assez tôt à vos dépens. Vous êtes jeune, gardez donc vos illusions.
Il  a changé de conversation.
— Donc, vous avez reçu ma lettre pour votre anniversaire. Quel cadeau, n’est-ce pas ?
— Oui. Une fichue surprise. Je veux dire un sacré choc.
— Je pensais que vous seriez venue plus tôt.
— Il m’a fallu du temps pour… Pour digérer la nouvelle. Au début j’ai pensé à un canular. Puis j’ai tout nié en bloc tellement c’était impensable. Ensuite, j’ai été forcée d’admettre que cet homme, ce guillotiné qui m’écrivait, enfin qui m’avait écrit, devait être mon père, sinon pourquoi vous aurait-il demander de m’envoyer son testament. Aujourd’hui, je souhaite en savoir davantage. J’ai besoin d’éléments pour comprendre qui il était, savoir qui je suis, ou plutôt qui je peux devenir.
— Avant d’aller plus loin, je voudrais savoir si vous avez lu la presse de l’époque sur l’affaire Ben Ali.
— À vrai dire, non. J’ai été sur le point de le faire, mais une fois à la Bibliothèque Nationale, devant le formulaire à remplir, je me suis dégonflée.
L’expression m’a échappée, j’ai de nouveau viré à l’écarlate,
— Il n’y a pas d’autre expression, ai- je bredouillé.
— Tant mieux. Les journalistes sont des hyènes. Il vaut mieux que vous ne les lisiez pas. Pas tout de suite en tous cas.

Là où ça se complique c’est lorsqu’il y a une conversation avec de multiples personnages, parfois il n’y a pas d’ambiguité mais quand on en relève une, il faudra préciser.

Exemple avec multiples personnages

Le gérant m’a questionnée d’un ton suspicieux.
 — Vous n’avez pas de bagages ?
— Je les ai laissés à la consigne.
— La chambre, c’est pour combien de temps ?
 — Je ne sais pas encore. Quelques jours… quatre ou cinq… ça dépendra de…
Derrière la cloison un homme a hurlé  :
— Dis-lui que moins de trois nuits on ne prend pas, peuchère.
— Eh bien trois jours, pour commencer.
— Après il n’est pas sûr qu’on aura de la place.
— Tant pis j’irais ailleurs.
Là il y a une ambiguité dans un dialogue écrit sur qui du gérant ou du « marseillais » parle (au théâtre il n’y en aurait aucune).
 Donc dans ce cas je recommande  de préciser qui a dit la phrase
— Après il n’est pas sûr qu’on aura de la place, répliqua le gérant

Copyright Louise Caron.
Extraits de mes romans publiés ou en cours et recomposition à partir d'emprunts divers à la littérature (Eric Fottorino, Simenon, Claire Etcherelli...)

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