La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



mercredi 28 août 2013

Dans quelle étagère. Partager les petits trésors de ma bibliothèque

Etienne de La Boétie.
Discours de la servitude volontaire.


" Ce sont donc les peuples mêmes qui se laissent ou plutôt se font maltraiter, puisqu'en cessant de servir (le pouvoir) ils en seraient quittes; c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la gorge, qui ayant le choix ou d'être esclave ou d'être libre, abandonne sa liberté pour le joug…"



Parfois, un livre et son contenu vous rattrapent. C'est le cas de ce Discours écrit au 16 ème siècle par La Boétie ami sincère de Montaigne. Ce qui est écrit dans ce discours est plus  que jamais au coeur de nos vies. Je l'ai relu à la suite d'une adaptation théâtrale de Stéphane Verrue présentée dans le cadre des ATP à Saint-Jean du Pin en 2011. 
Je viens de le ressortir après la lecture de "Rue des voleurs" de Mathias Enard (cf le post)  ce bouquin évoquant les évènements que l'on a si joliment appelé "La printemps arabe". 
Et comme il n'y a pas de hasard pour la rencontre des idées j'y ai repensé en assistant Jeudi dernier, au spectacle du Cratère Le Lorenziaccio d'après George Sand (cf. le post). 


"Discours sur la servitude volontaire" avait été une découverte en classe de philosophie (au même titre que Hegel, Nietzsche, Heiddeger…) un écho à la société gaulliste sous le poids de laquelle mon adolescence pliait. Mais la jeunesse si elle plie, ne rompt pas. 
Il y eut "le printemps 68" ; un autre printemps qui s'est enlisé dans un bien morne été. Trop vite les fleurs du printemps se fanent. Mais des graines avaient été semées. La société traditionnelle en fut ébranlée. Certains ont relevé la tête, d'autres ont rompu… Le temps des utopies, des rêves de vivre autrement, a été balayé par les crises pétrolières, boursières, la mondialisation hésitante puis le capitalisme triomphant, la tyrannie de l'Argent roi. En vieillissant bien des leaders de '68 sont soi-disant devenus sages et se sont corrompus. Lisons La Boétie.


Ce petit morceau choisi pour la réflexion.
Ce ne sont pas les bandes de cavaliers, ce ne sont pas les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent le tyran. On ne le croira pas au premier abord. Mais c'est vrai. Ce sont toujours quatre ou cinq individus qui maintiennent le tyran au pouvoir, quatre ou cinq qui tiennent tout le pays en esclavage; il n'y en a toujours eu que cinq ou six qui ont eu l'oreille du tyran et s'en sont approchés d'eux-mêmes (ou bien ils ont été appelés par lui) pour être les complices de sa cruauté, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et ceux avec lesquels il partage ses pillages. Ces six-là en ont six cents qui profitent sous eux, et ils font de ces six cents la même chose que le tyran fait avec eux. Ces six cents en tiennent sous eux six mille qu'ils ont promus en leur donnant une situation (gouvernement d'une province, maniement des deniers, afin de maîtriser leur cupidité, (…) 
En somme on comprendra que l'on en arrive à ce point par les faveurs ou sous-faveurs, les gains et les regains qu'on a avec les tyrans, et qu'il se trouve finalement autant de gens auxquels la tyrannie semble être profitable que d'autre à qui la liberté serait agréable..

Que le mot philosophie ne soit pas un frein. Ce livre n'est ni ennuyeux, ni pontifiant. Il est facilement lisible dans la version éditée chez Folio. 
C'est un condensé de réflexions d'un homme jeune (La Boétie est mort à 32 ans, 9 mois et 17 jours) écrit sous le règne de Henri II… il y a 5 siècle. C'est terrifiant de constater que la tyrannie a juste changé de nature (et encore pas partout…) et que les peuples sont toujours aussi dociles et faciles à berner…

Discours est  un véritable trésor dans une bibliothèque à côté des "Essais" de Montaigne.


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