Le sermon sur la chute de Rome
de Jérôme Ferrari édition Actes Sud.
Résumé: C'est l'histoire d'un petit bar corse, du côté de
Sartène, fréquenté par des chasseurs haut en couleur (jaune comme le pastis et
épais comme la crasse). La patronne Marie-Angèle Susini veut vendre
ce boui-boui et ne trouve que des gérants minables qui font tous capoter
l'affaire. Libero Pintus et Matthieu Antonetti, deux jeunes du
village partis étudier la philosophie à la Sorbonne, se portent volontaires.
La famille de Matthieu est furieuse qu'il abandonne ses études. Les deux
garçons n'ont pas un sou, le grand-père de Matthieu, Marcel
Antonetti lui propose ( alors qu'il semblait le détester) de lui avancer
les fonds pendant deux ans seulement, en échange de quoi ce dernier devra faire
ses preuves. Malgré leur inexpérience, Matthieu et Libero comptent bien ne pas
répéter les erreurs de leurs prédécesseurs et arrivent à faire tourner la
boutique au-delà de toute espérance. L'endroit ne désemplit pas, les habitués
se mêlent aux touristes dans une ambiance festive et joyeuse.
Mais c'est en vérité le début
de l'enfer car la présence de quatre serveuses, dont la très aguicheuse Annie,
attise le désir des hommes, aiguise les rivalités des clans. I l y a aussi la
soeur de Matthieu et ses amours contrariées en Algérie… Tout cela va mal
finir… on le pressent
« J’IMAGINE QU'ILS VIENNENT DE DÉCOUVRIR DOULOUREUSEMENT
que les mondes sont mortels mais ils n’arrivent pas encore à y croire et,
pendant l’hiver 410, dans la cathédrale disparue d’Hippone, ils écoutent
Augustin, l’évêque qu’ils aiment, le leur confi rmer en une phrase limpide et
cruelle : “Le monde est comme un homme : il naît, il grandit et il meurt.” Car,
de la chute de Rome il faut d’abord tirer un enseignement sur l’effrayante
fugacité des mondes dont l’épée d’Alaric vient alors d’apporter la preuve
incontestable et brutale.
Rome n’est donc ici que l’un
des multiples noms portés par le monde et je voulais poser à mon tour, avec ce
roman et dans les termes qui sont ceux du roman, la question : qu’est-ce qu’un
monde ? Chaque personnage a le sien, qui le sépare irrémédiablement des autres.
Il y a un très vieil homme qui a traversé tout le XXe siècle à la poursuite de
l’Histoire sans jamais la rattraper ; une jeune femme qui ramène à la lumière
des vestiges enfouis et ne veut pas laisser la vie s’éteindre ; deux amis
d’enfance qui reprennent le bar de leur village et cheminent côte à côte vers
le désastre. Mais chacun d’eux répond à sa manière à la même question. En
chacun d’eux se manifeste la présence ou l’absence d’un monde, avec les
éléments qui en assurent la cohésion provisoire autour d’un centre de gravité
trop fragile, et chacun d’eux, puisque un monde, quelles que soient son ampleur
ou sa durée, doit naître, grandir et mourir comme un homme, vient porter
témoignage à sa manière des origines et de la fin. Si Rome n’est que l’un des
multiples noms portés par le monde, j’aimerais pouvoir penser que ce roman est
exactement ce que son titre indique : un sermon sur la chute de Rome qui fait écho
à ceux que prononça Augustin dans la cathédrale disparue d’Hippone pour
consoler ses fidèles d’avoir survécu à la fin du monde. »
Jérôme Ferrari
Extrait: Comme témoignage des origines - comme témoignage de la
fin, il y aurait donc cette photo, prise pendant l'été 1918, que Marcel
Antonetti s'est obstiné à regarder en vain toute sa vie pour y déchiffrer
l'énigme de l'absence. On y voit ses cinq frères et soeurs poser avec sa mère.
Autour d'eux, tout est d'un blanc laiteux, on ne distingue ni sol ni murs, et
ils semblent flotter comme des spectres dans la brume étrange qui va bientôt
les engloutir et les effacer. Elle est assise en robe de deuil, immobile et
sans âge, un foulard sombre sur la tête, les mains posées à plat sur les
genoux, et elle fixe si intensément un point situé bien au-delà de l'objectif
qu'on la dirait indifférente à tout ce qui l'entoure - le photographe et ses
instruments, la lumière de l'été et ses propres enfants, son fils
Jean-Baptiste, coiffé d'un béret à pompon, qui se blottit craintivement contre
elle, serré dans un costume marin trop étroit, ses trois filles aînées,
alignées derrière elle, toutes raides et endimanchées, les bras figés le long
du corps et, seule au premier plan, la plus jeune, Jeanne-Marie, pieds nus et
en haillons, qui dissimule son petit visage blême et boudeur derrière les
longues mèches désordonnées de ses cheveux noirs. Et à chaque fois qu'il croise
le regard de sa mère, Marcel a l'irrépressible certitude qu'il lui est destiné
et qu'elle cherchait déjà, jusque dans les limbes, les yeux du fils encore à
naître, et qu'elle ne connaît pas. Car sur cette photo, prise pendant une
journée caniculaire de l'été 1918, dans la cour de l'école où un photographe
ambulant a tendu un drap blanc entre deux tréteaux, Marcel contemple d'abord le
spectacle de sa propre absence. Tous ceux qui vont bientôt l'entourer de leurs
soins, peut-être de leur amour, sont là mais, en vérité, aucun d'eux ne pense à
lui et il ne manque à personne. Copyright Actes Sud Aout
2012
Mon Avis : L'auteur a voulu faire écho au sermon de la chute de Rome, que prononça saint Augustin en 410 dans la cathédrale d'Hippone, pour dire "l'effrayante fugacité des mondes".
L'écriture en phrases longues à la Marcel Proust n'est pas dépourvue de virtuosité. C'est une écriture, épique, lyrique qui ne ménage pas les sensibilités, c'est cru, charnel plus que sensuel. Ceci dit le point a bien des vertus que la virgule n'a pas. Il y a un nombre impressionnant de personnages secondaires, tous sont les acteurs et les témoins de la mort du monde qui les a vu naitre. Mais ce n'est pas la chute de Rome, c'est juste la déchéance de deux jeunes c… et la décadence d'un bistrot corse à l'ambiance délétère
C'est un livre déroutant un peu trop pompeux à mon goût. Trop d'emphase et pas assez de sincérité. Mon compagnon quant à lui n'a pas dépassé la quatrième page.
Biographie : Né
à Paris en 1968, agrégé de philosophieJérôme Ferrari a enseigné en Algérie puis
en Corse. Depuis septembre 2012, il est en poste dans les Emirats arabes unis.
Chez Actes Sud, il est l'auteur de quatre romans : Dans le secret (2007; Babel
n° 1022), Balco Atlantico (2008), Un dieu un animal (2009, prix Landerneau ;
Babel n ° 1113) et Où j'ai laissé mon âme (2010, prix du roman France
Télévisions, prix Initiales, prix Larbaud, grand prix Poncetton de la SGDL)
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