La fête au bouc de Mario Vargas Llosas,
éditions Gallimard, 2002

Elle rend visite à ce père
aphasique, cloué dans un fauteuil roulant par un accident vasculaire cérébral, avec
lequel elle avait coupé les ponts depuis son départ aux USA à l'âge de quatorze
ans. Cette visite est pour elle l'occasion de régler un vieux compte et de se
remémorer ce que furent ces années de dictature, jusqu'à l'attentat qui coutât
la vie au dictateur le 30 mai 1961.
Extrait: Un sujet que j'aurais aimé évoquer avec toi, papa. Les femmes, le sexe. As-tu eu des aventures depuis la mort de maman ? Je n'ai jamais rien remarqué. Tu n'avais pas l'air de courir le jupon. Le pouvoir te comblait-il si bien que tu n'avais pas besoin de sexe? ça se voit même sur cette terre chaude. C'est le Président perpétuel Don Joachim Balaguer, non ? Célibataire encore à quatre-vingt dix ans. Il écrit des poèmes d'amour et les rumeurs font état d'une fille qu'il aurait eu en cachette. Moi, il m'a toujours donné l'impression qu'il ne s'est jamais intéressé au sexe, que le pouvoir lui a donné ce que donne aux autres le lit. Etait-ce ton cas papa? Ou as-tu eu de discrètes aventures ? Trujillo t'a-t-il invité à ses orgies à la Maison d'Acajou? Que se passait-il là-bas? Le Chef s'amusait-il aussi, comme Ramfils, à humilier ses amis, ses courtisans en les obligeant à se raser les jambes, la tête, à se maquiller comme de vieilles tapettes ? Aimait-il cela? T'es-tu prêté à ce jeu ? ...

On suit en même temps les quatre jeunes
conjurés du complot qui mettra fin à la dictature le 30 mai 1961. Le geste risqué de
ces jeunes gens prend tout son sens au fur et à mesure qu’on entre plus avant
dans le quotidien de Trujillo et dans les coulissses du pouvoir où tous
tremblent devant le maître.
L’histoire personelle de la narratrice Urania, nous
est délivrée au fil des chapitres jusqu’à la fin où le lecteur connaitra (il l’aura
peut-être deviné avant) le véritable motif de son retour à la terre natale.
L’auteur a fait un travail d’historien et de romancier. Il m’a semblé qu’il
manquait quelque chose à ce roman, peut-être un peu de légèreté ? Un peu
de distanciation par rapport à l’événement historique. Cependant en dépit de cette restriction, j'ai trouvé ce livre passionnant, palpitant et horrible tout à la fois.
Biographie : Mario Vargas Llosa
est élevé à Cochabamba (Bolivie),
puis au Pérou. Après des études à l’Académie militaire, il épouse sa tante,
Julia Urquidi. Il tirera de ce mariage la matière de 'La tante Julia et le
scribouillard'. Étudiant de lettres et de droit à l’université de San Marcos,
puis de littérature à l’université de Madrid, il publie son premier recueil de
nouvelles, 'Les caïds', en 1959. Il s’installe ensuite à Paris, où il exerce
diverses professions : traducteur, professeur d’espagnol, journaliste pour
l’agence France-Presse.
En 1963 paraît 'La ville et les chiens', premier succès littéraire,
qui sera traduit en une vingtaine de langues. Séduit par Fidel Castro et la
révolution cubaine, il se rend à la Havane. Il rentre en Europe avec une
nouvelle épouse, Patricia. Au début des années 70, l'auteur exprime pourtant ouvertement
sa rupture avec la révolution castriste et les mouvements d’extrême-gauche. De retour au Pérou, il est
candidat du Front démocratique à l’élection présidentielle péruvienne. Battu,
il abandonne le Pérou, reprend ses activités littéraires et regagne Londres. La
nationalité espagnole lui est accordée en 1993. Citoyen du monde, il vit entre
Lima, Madrid, Londres et Paris.
Plusieurs fois pressenti pour
le prix Nobel de littérature, il est finalement récompensé par l'Académie
suédoise en 2010 "pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses
images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte et de son
échec".
En 2011 paraît chez Gallimard sa plus récente œuvre de fiction,
‘Le Rêve du Celte’, qui retrace la vie hors norme de l’anticolonialiste
irlandais Roger Casement.
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