paru chez Flammarion
Petit extrait suffisant pour se faire une idée de l'insipidité de ce roman, de la somme de poncifs accumulés en si peu de lignes.
À bord du
paquebot «Normandie», dernière semaine de juin 1939
J'ai tenu
dans mes bras - et elle était entièrement nue - la légendaire Sarah Bernhardt,
celle que les journaux des cinq continents ne désignaient que comme «la
Divine», «la Voix d'or», «l'Inoubliable» ou, pour les plus prudes d'entre eux,
«la Scandaleuse» - celle pour qui Jean Cocteau avait inventé cette belle
expression qui devait passer à la postérité : «monstre sacré».
Je dois
hélas à la vérité de le préciser : la dame venait à cette époque de franchir le
cap des soixante-quinze ans (on était au lendemain de la Grande Guerre), elle
était embarrassée depuis bientôt quatre ans par une jambe de bois et c'est
uniquement en tant que médecin qu'elle m'avait autorisé à pénétrer sa chambre,
pour tenter d'apaiser quelque douleur dorsale. L'artiste souffrait toujours de
mille maux et, pour s'en plaindre, utilisait ses cordes vocales avec autant de
force qu'elle le faisait sur les planches.
J'eus
nettement plus de chance, en 1925, en ayant à soigner le début d'angine d'une
danseuse du Théâtre des Champs-Élysées : coup de froid bénin qui ne m'étonna
guère quand on m'apprit que cette jeune demoiselle noire de moins de vingt ans
n'était vêtue que d'un simple pagne fait de bananes pour danser sur scène... À
dater de ce jour, l'invraisemblable Joséphine Baker vint souvent animer mes
fantasmes, comme ceux des milliers de Parisiens qui se pressaient pour
l'admirer dans ses charlestons endiablés.
Il m'est
arrivé, une fois aussi, d'avoir à tâter le mollet d'une Impératrice. On
cherchait un médecin discret pour soulager la douleur de la veuve de Napoléon
III, en villégiature sur la Côte d'Azur, qui s'était tordu la cheville en
gravissant un des escaliers de la Villa Cymos, à Cap-Martin, celle-là même
qu'elle avait fait bâtir jadis pour n'avoir plus à être toujours l'invitée de
sa grande amie Sissi, une autre Impératrice, mais d'Autriche et de Hongrie
celle-là. Le mari de Joséphine était mort depuis quarante ans déjà, dans son
court exil anglais, mais l'Impératrice, née Maria Eugenia Palafox de
Guzmán-Portocarrero y Kirkpatrick de Closbourn, marquise d'Ardales et de Moya,
comtesse de Teba et Montijo, portait encore beau et obligeait tout un chacun à
se souvenir qu'elle avait été, durant les dix-huit ans du règne, considérée
comme l'une des plus belles femmes d'Europe, et la plus élégante sans doute. Pour
persévérer dans cet inventaire hétéroclite de «grandes dames» célèbres au XXe
siècle naissant, il me faudra noter encore que, deux mois avant le
déclenchement de la guerre de Quatorze, je vins à soigner la plaie infectée
qu'une aiguille de couturière avait provoquée à l'index d'une jeune modiste,
parfaitement inconnue mais qui s'apprêtait à ouvrir sa propre boutique. Son
prénom seul m'était resté en mémoire - Gabrielle - quand j'appris dans l'année
qui suivit qu'elle faisait gloire et fortune rue Cambon à l'enseigne de Coco
Chanel. Les femmes, disait-on, lui devaient leur «libération» et j'imaginais
les reproches que l'on m'eût faits si, l'infection ayant gagné, il m'eût été
nécessaire d'amputer un de ses doigts magiques …
Présentation de l'éditeur
Ancien médecin devenu écrivain, Laurent Pasquier possède à 50 ans tout
ce dont il avait rêvé : le succès littéraire, les honneurs, l’aisance
matérielle… Il est un romancier qu’on lit, une voix qu’on écoute, un homme
qu’on respecte. Mais on est en 1939, et ce destin trop idéal va voler en éclat…
Un amour aussi insolite qu’inattendu le frappe comme la foudre, menaçant la
paix familiale et l’obligeant à remettre en cause tout ce qu’il croyait
acquis.Dans son propre « clan » – où l’argent du puissant Joseph dicte sa loi –
les intérêts prennent le pas sur les sentiments et c’est dans le drame que
frères et soeurs dénouent ambitions et conflits.C’est alors que surgit la
Seconde Guerre mondiale. Tandis qu’Adolf Hitler humilie notre pays, les
Français, eux, rivalisent de trahisons et de lâchetés.Quel choix fera Laurent
Pasquier entre la résistance à l’ennemi ou la compromission avec Pétain ? Son
amour tout neuf sera-t-il celui de la déchéance ou de la rédemption ? Le clan
Pasquier saura-t-il à nouveau surmonter ses divisions ?
Mon Avis
J'ai présenté il y a quelques semaines dans la rubrique "Partager les petits trésors de ma bibliothèque" le Notaire du Havre, premier tome de la Chronique des Pasquier de Georges Duhamel. A cette occasion j'étais tombée par hasard sur l'annonce du livre de Jérôme Duhamel (petit-fils de l'académicien dont j'aime tant la prose.)
Ce qui a fait le succès des romans par épisodes c'est l'attachement du public aux personnages. L'envie de prolonger les moments passés en leur compagnie. C'est exactement ce que j'espérais d'une suite à la Chronique. Quelle déception. Jérôme Duhamel aurait mieux fait de ne pas sortir ce pauvre Laurent Pasquier du mutisme où la mort de G. D. l'avait plongé.
Mes raisons de ne pas avoir aimé ce livre :
- Le côté "Saga" qui fait vendre avec sur le bandeau Le Clan Pasquier… un côté le Parrain… Les Trucs Muches : le retour (ça marche, je m'y suis laissée prendre et je m'en mords les doigts.)
- L'auteur (je parle de Jérôme Duhamel) utilise la plume de Laurent Pasquier pour "écrire" une pseudo biographie de son illustre grand-père, sans pour autant le faire avec documents à l'appui. Le "Laurent Pasquier ressuscité - Georges Duhamel" apparait comme bien pensant mais se voulant progressiste, un peu prude ayant des homos dans ses amis mais se gaussant un peu de Cocteau-Marais..., un peu niais, transis d'amour sur fond d'occupation allemande… Jamais le Laurent Pasquier, médecin, chercheur humaniste, de la Chronique n'aurait parlé, écrit ou jugé ainsi… Faudrait-il supposer que sa mentalité ait à ce point changée ? Est-ce la fréquentation de tous ces engoncés d'Immortels qui en a fait l'homme du livre...
- C'est prétentieux, mondain, bien sûr le subjonctif est bien manié, les phrases ont un sujet, un verbe, un complément même souvent plusieurs, les virgules sont à leur place et les métaphores sans surprise. Mais toutes ces anecdotes "un tantinet ragots" sur les "people" de l'époque sont sans intérêt. Or, on en a à toutes les pages...
- L'utilisation du nom de François Desqueyroux pour "dissimuler" François Mauriac derrière son petit doigt ! Personne n'est dupe. Desqueyroux est le nom de l'héroïne d'un des romans de F. M. Pourquoi cet artifice alors que tous les autres sbires portent leurs vrais noms… (Léautaud… Cocteau... Pétain… je ne vais pas tous les citer)
- La romance amoureuse pretexte à l'histoire est sans saveur, incolore… elle oscille entre Harlequin et le Club des Cinq.
- J. D aurait dû relire les dix tomes de la Chronique avant d'écrire la suite. Les vrais personnages de la Chronique sont revus au profit de la pseudo biographie du grand-père… Ainsi, Jacqueline l'épouse de Laurent Pasquier est maintenant une ancienne comédienne d'extraction modeste (la femme de G. D était comédienne et d'origine italienne), alors que dans les romans initiaux, elle est fille d'un député socialiste M. Bellec. Elle s'occupe de "bonnes oeuvres". Elle refuse même au départ d'épouser Laurent pour mener à bien sa tâche de charité. (Dans le combat contre les ombres).
De même, le père Raymond Pasquier était mort et enterré. Dans ce bouquin on le retrouve plusieurs années plus tard entrant dans le coma. Une pirouette, la justification est que Laurent l'avait fait mourir dans la Chronique pour se débarrasser d'un personnage trop encombrant…. Pour les besoins de cette nouvelle saga on le ressuscite. Trop fort ! mieux que Jésus-Christ lui-même.
Cécile, la musicienne n'est pas du tout crédible dans le rôle qu'on lui impute ici. Rien à voir avec la Cécile de la Chronique.
Cécile, la musicienne n'est pas du tout crédible dans le rôle qu'on lui impute ici. Rien à voir avec la Cécile de la Chronique.
- La description de la drôle de guerre, de l'exode et du début de l'occcupation… lisez plutôt Céline ou Boudard.
- Les clichés sur Céline… Une honte sous la plume d'un type qui travaille dans l'édition. Si le vrai G. D. a écrit la-dessus qu'au moins son petit fils donne ses sources. Faire dire à "Laurent Pasquier ressuscité - Georges Duhamel" que c'est facile le style de Céline que "l'écriture parlée" n'est pas de l'écriture… Je cite de mémoire.
N'importe quoi ! Même les plus farouches détracteurs de Céline lui rendent justice de son style et du fait qu'il fut l'un des rares romanciers a avoir marqué son siècle. Ce qui ne risque pas d'arriver à Jérôme Duhamel.
Dommage pour son grand-père dont l'oeuvre méritait mieux que ça.
On se dit quand même que faire partie du sérail ça aide à se voir publier. Et n'y voyez de ma part aucune amertume, aucune frustration...
Au secours, il doit y avoir un deuxième tome: PRIERE DE S'ABSTENIR.
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