La phrase du jour

“"Si le théâtre oublie le monde, le monde finira pas oublier le théâtre". Bertolt Brecht



mercredi 7 août 2013

Mes lectures du moment

La langue de ma mère de Tom Lanoye 
Editions de la différence.


Résumé: Comme le dit le titre, l’auteur flamand Tom LANOYE raconte la vie de sa mère dans un roman foisonnant. Sa mère à la suite de plusieurs accidents cérébraux, a perdu sa langue, sa dignité, et la vie. 
C’est l’occasion de dresser le portrait de sa famille, de son enfance. Le récit de sa vie passée dans le Pays de Waas dans la boucherie que tient son père. 
L'auteur fait de la Belgique un portrait fort tendre et attachant.

Extrait : Elle et moi. Une seule fois nous fûmes ensemble sur les planches. Dans notre Théâtre Muncipal. Dans 'ils étaient tous mes fils' d'Arthur Miller. J'ai dix ans et j'ai une réliqje. Elle tient l'un des rôles principaux. Nous nous tuons à répéter devant la table à repasser mais elle dit qu'une fois dans la salle de répétition il faudra que j'écoute le metteur en scène. Et au salut après la représentation, il ne faut pas que je vienne près d'elle pour lui tenir la main. Je dois rester de l'autre côté et prendre la main de celui qui est mon père dans la scène. Elle m'enseigne qu'une bonne pièce de théâtre dure encore un peu après la fin, quand les applaudissements retentissent et que les acteurs s'inclinent tous ensemble. Il ne faut pas immédiatement rejeter le public dans sa réalité. 'The show must go on' aussi longtemps que possible.

Mon avis: C'est un livre touchant, parfois grinçant. Sprakeloos en est le titre original en néerlandais. Cela veut dire littéralement sans parole. 
Le lecteur comprend vite le destin tragique de cette femme instruite pour l'époque, bavarde, pleine de vie et de verve qui pratique le théâtre amateur. La parole c'est sa façon d'être sur le devant de la scène. Au théâtre, dans sa boutique, dans sa maison.


Cette femme, cette mère incarne la parole, abondante comme une pluie de printemps. L'écriture de Tom Lanoye restitue cette abondance par des collections de mots. De phrases riches, bavardes dirais-je, moi qui aime tant l'économie en littérature. 
L'auteur revendique cette abondance je cite :

"Je regrette beaucoup mais je dis non aux écrits scrupuleusement parcimonieux. Même pas par vocation ou par élan doctrinaire. Je dis non parce que l’anorexie dans l’écriture serait une trahison à l’égard de mes sujets et de leur environnement. (…) S’il existe dix termes pour un seul et même phénomène, pourquoi donc quelqu’un comme moi n’en utiliserait qu’un au lieu de tous les dix? "


Même les silences de la mère sont parlants. Son fils dit qu'elle se tait avec éloquence. C' est un personnage. Elle joue sur la scène d’un théâtre, devant les clients du magasin, devant ses enfants. J'aime bien ce passage où elle prépare des milliers de zakouskis pour une cérémonie locale. Toute la famille est réquisitionnée et elle orchestre son petit monde comme le ferait un metteur en scène. On découvre le tableau haut en couleur d’une kermesse héroïque où verbe et nourriture se confondent encore. Le père, est boucher. Si sa femme est le mort lui et la chair. C'est un taiseux  réservé, effacé, amoureux de sa femme jusqu'à la mort.
Privée de sa langue, juste capable de cris et d'onomatopée, cette femme essaie de survivre puis abandonne le combat.
Dans ce livre, l'auteur parle aussi de lui, révèle son homosexualité longtemps cachée à sa famille. Il parle des autres membres de la dite famille. De ses frères. On sent  derrière la tendresse, des blessures enfouies. Pas oubliées. Et le théâtre est omni présent.
C'est aussi le portrait d'une petite ville des Flandres à une époque pas si éloignée mais qui parait d'un autre âge. 
J'ai bien aimé, j'aurais aimé davantage si l'écriture avait été plus concise. 
Biographie : Tom Lanoye (1958) est un romancier, poète, chroniqueur, scénariste et auteur de théâtre qui vit et travaille à Anvers (Belgique) et au Cap (Afrique du Sud). Il est un des auteurs les plus lus et les plus primés de son territoire linguistique (Pays-Bas et Flandre), il est également très prisé par tous les grands festivals européens. Il est régulièrement invité dans les studios de radio et sur les plateaux de télévision, tant en Belgique qu’aux Pays-Bas. Il se produit également sur scène, au théâtre. Lanoye est souvent sous les feux de la rampe, grâce à ses déclarations provocatrices et satiriques.

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